Un point sur la présidentielle et pourquoi Fillon reste le meilleur candidat

Je sais que j’avais dit que mon billet sur l’élection serait le dernier avant le premier tour, mais je veux faire un dernier point sur la situation à quelques heures de l’élection et expliquer pourquoi je pense que Fillon est le meilleur candidat. J’ai expliqué il y a quelques jours pourquoi un duel entre Fillon et Le Pen était selon moi l’issue la plus probable, même si un affrontement entre Macron et Le Pen avait également une probabilité importante compte tenu de ce qui disent les sondages. Si j’avais raison, on aurait probablement vu un rétrécissement des écarts dans les sondages cette semaine, mais ce n’est pas vraiment ce qu’on a observé. Si l’on pouvait être sûr que l’unique source d’erreur dans les sondages était le hasard qui intervient dans le processus d’échantillonnage, un calcul simple montrerait que Fillon n’a aucune chance d’accéder au second tour, mais ce n’est bien sûr pas le cas puisque, comme je l’ai expliqué dans mon billet précédent, il y a beaucoup d’autres sources d’erreur potentielles. Il n’en reste pas moins que, compte tenu des sondages parus cette semaine, il faudrait une erreur très importante pour que Fillon se qualifie et il serait irrationnel d’ignorer ce qu’ils disent.

Je continue néanmoins à penser que, compte tenu de ce qu’on sait de la politique française, les sondages présentent un tableau extrêmement surprenant. Non seulement j’ai du mal à croire que Fillon et Le Pen puissent être si bas, mais je ne comprends pas non plus comment Macron peut être si haut. Si l’on en croit les sondages, les Français s’apprêtent à élire un candidat libéral à la fois sur l’économie et les questions de société, dans un pays qui est historiquement allergique au libéralisme sur l’économie et qui n’a jamais été aussi à droite sur les questions de société comme l’immigration et la sécurité que ces dernières années. Comme je l’ai rappelé dans mon dernier billet, au premier tour des régionales de 2015, le total des voix de droite était quasiment de 60%. Aujourd’hui, si l’on en croit les sondages et qu’on suppose qu’un tiers des voix de Macron viennent de la droite, on arrive qu’à environ 55%. Pour expliquer cette différence, il faudrait que plus de 50% des gens qui disent avoir l’intention de voter pour Macron viennent de la droite, ce qui me paraît tout à fait improbable pour des raisons que j’explique ci-dessous. C’est ce qui me fait dire que les sondages passent à coté d’un nombre important d’électeurs de droite, qui sont assez nombreux pour changer le résultat du premier tour.

Il y a plusieurs choses qui pourraient aller de travers dans ce raisonnement et expliquer ce que disent aujourd’hui les sondages. D’abord, il est possible que, si le total de la droite était si haut en 2015, c’est parce que les électeurs de gauche, déçus par Hollande et le PS, ne s’étaient pas déplacés. Dans ce cas, mon raisonnement serait erroné, car il reposerait sur une surestimation du total des voix de droite au premier tour des régionales de 2015, résultant d’un effet d’optique dû à l’abstention très importante à ce scrutin et au fait qu’elle a été plus importante chez les électeurs de gauche. Mais je ne pense pas que ce soit le cas, car d’après un sondage Ipsos réalisé à l’époque, le rapport de force gauche/droite était le même parmi les abstentionnistes que parmi les gens qui s’étaient déplacés pour aller voter. Il me semble donc que l’hypothèse selon laquelle le rapport de force politique en France a évolué en faveur de la droite pendant le quinquennat de Hollande dans les proportions que suggèrent les résultats des régionales de 2015 est assez solide. C’est d’autant plus vrai que, comme je l’ai remarqué dans mon précédent billet sur l’élection, de nombreuses études ont confirmé le virage à droite de l’opinion publique ces dernières années.

Ensuite, mon raisonnement repose sur l’hypothèse qu’il est improbable que plus d’un tiers des électeurs de Macron sont des gens qui avaient voté pour la droite ou l’extrême-droite aux régionales de 2015, mais peut-être que j’ai tort. La raison pour laquelle  je fais cette hypothèse, outre le fait que le discours de Macron sur des sujets comme l’immigration et la sécurité semble de nature à rebuter ces gens-là, est que c’est ce que suggèrent les sondages qui ont posé la question sur le second choix des électeurs potentiels de chaque candidat, parmi ceux qui disent pouvoir encore changer d’avis. Ainsi, d’après le sondage Ipsos réalisé les 16 et 17 avril, que j’utilise parce qu’il a un échantillon de plus de 8000 personnes (ce qui est important quand on s’intéresse à des sous-populations comme c’est le cas ici), moins de 40% des gens qui disent avoir l’intention de voter pour Macron mais pouvoir encore changer d’avis indiquent un candidat de droite comme second choix, si l’on fait l’hypothèse que ceux qui ne se prononcent pas (c’est-à-dire 12% d’entre eux) se distribuent entre les candidats de la même façon que les autres. Certes, c’est un peu plus du tiers, mais il me semble vraisemblable que ceux qui ne sont pas encore sûrs de leur choix ont davantage de chances de venir de la droite que ceux qui disent qu’ils ne changeront plus d’avis. Même si l’on fait l’hypothèse que 40% des électeurs de Macron viennent effectivement de la droite, il manque toujours environ 3% des électeurs de 2015 qui ont voté pour la droite aux régionales et semblent avoir disparu aujourd’hui si l’on en croit les sondages.

On peut également utiliser une autre méthode pour estimer la proportion des électeurs de Macron qui viennent de la droite. Le sondage OpinionWay demande aux gens interrogés pour qui ils avaient voté en 2012. Or, même s’il l’on met tous les gens qui avaient voté pour Bayrou en 2012 à droite, ce qui me paraît assez osé compte tenu du discours de Bayrou à l’époque, un calcul sur la base des résultats de ce sondage aboutit à la conclusion que seulement 41% des gens qui disent avoir l’intention de voter pour Macron aujourd’hui viennent de la droite. Bien sûr, un certain nombre des gens qui avaient voté à gauche en 2012 ont basculé à droite aux régionales de 2015, mais même si l’on prend cela en compte il paraît difficile que plus de 45% des électeurs de Macron viennent de la droite. Même si l’on fait cette hypothèse, si l’on fait le total des voix de droite d’après les sondages parus récemment, il y en a toujours environ 2% qui manquent à l’appel. On voit que, selon les hypothèses que l’on fait, il y a entre 2% et 5% des voix de droite qui semblent avoir disparu. Comme les électeurs ne disparaissent pas comme par magie, il est selon moi assez probable que ces voix se retrouvent dans les résultats du premier tour, auquel cas elle devrait se répartir à peu près équitablement entre Fillon et Le Pen.

Selon l’importance de ce phénomène, cela pourrait éliminer Macron au profit de Fillon et placer Le Pen en tête du premier tour, mais il est aussi possible que ça ne soit pas suffisant pour changer l’ordre d’arrivée. Une autre incertitude du scrutin provient du nombre important de gens qui, bien qu’ils disent être certains d’aller voter et indique même une préférence, disent également pouvoir encore changer d’avis. Comme je l’ai expliqué dans mon dernier billet, ils sont beaucoup plus nombreux chez les gens qui disent avoir l’intention de voter pour Macron ou Mélenchon que chez ceux qui disent avoir l’intention de voter pour Fillon ou Le Pen, mais par rapport à ces derniers, Macron et Mélenchon ont aussi un plus gros potentiel de voix. Comme je l’explique dans la dernière mise à jour de mon billet précédent sur l’élection, quand on fait des simulations pour voir comment cela pourrait affecter le résultat, on observe que cela n’affecte pas le résultat à condition que la proportion des indécis qui vont effectivement changer d’avis soit la même pour tous les candidats et quel que soit leur second choix.

Bien sûr, il est tout à fait possible que ce ne soit pas le cas, auquel cas le résultat pourrait être complètement différent de ce que les sondages disent aujourd’hui. Si les indécis qui indiquent aujourd’hui une préférence pour Fillon ne changent pas d’avis mais qu’un grand nombre des indécis qui indiquent pour l’instant une préférence pour Macron décident au dernier moment de voter pour quelqu’un d’autre, Macron pourrait se retrouver derrière Fillon. De la même façon, si c’est l’inverse qui se produit, Macron pourrait creuser encore davantage l’écart avec Fillon. Comme je l’ai expliqué dans mon précédent billet, même s’il est peu probable que la proportion des indécis qui vont effectivement changer d’avis soit la même pour tous les candidats et quel que soit leur second choix, il est difficile de prévoir comment ils vont se comporter. C’est pourquoi le nombre très important des indécis augmente l’incertitude du scrutin, mais ne permet pas vraiment de conclure que la probabilité qu’un candidat en particulier se retrouve au second tour est plus/moins importante que ce qu’indique les sondages. Cela dit, si l’on fait quelques calculs, on s’aperçoit que pour que les indécis éliminent Macron, il faudrait qu’un grand nombre de ceux qui disent pour l’instant avoir l’intention de voter pour lui changent d’avis sans que ce soit le cas pour beaucoup des indécis qui indiquent aujourd’hui une préférence pour l’un de ses concurrents. C’est pourquoi, même s’il est tout à fait possible que les indécis pénalisent Macron, je doute qu’ils puissent à eux seuls l’empêcher d’accéder au second tour. Compte tenu de ce que disent les sondages à la veille du premier tour, pour que Macron soit éliminé, il faudrait qu’en plus il y ait d’autres sources d’erreur.

Bref, je ne sais pas vraiment quoi penser, car même s’il me semble politiquement tout à fait improbable qu’un candidat comme Macron fassent aussi bien que ce que suggèrent aujourd’hui les sondages dans un pays comme la France, il serait irrationnel de les ignorer et, d’après les sondages, il sera vraisemblablement au second tour. Il n’en reste pas moins que, comme l’explique Harry Enten sur FiveThirtyEight, il ne serait pas si étonnant que ça que les sondages se trompent. Dans cet article, il explique que, depuis 1969, l’erreur des sondages au sujet de la marge entre le duo de tête a été en moyenne de 3 points, ce qui suffirait à faire passer Fillon devant Macron si l’on prend la moyenne des sondages publiés dans la dernière semaine. Même si l’on ne prend en compte que les élections entre 1995 et aujourd’hui, l’erreur moyenne est de plus de 2,5 points. Si vous avez lu mon précédent billet, dans lequel j’expliquais comment marchent les sondages, ça ne devrait pas vous étonner. De plus, comme Enten l’explique aussi dans son article, ce n’est qu’une moyenne. En effet, l’erreur a parfois été beaucoup plus importante, comme en 1995 où elle fut de 6 points. Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur cette campagne, dont j’ai déjà parlé, il ne serait pas étonnant si les sondages étaient particulièrement à coté de la plaque cette année. Je continue donc de penser qu’un duel entre Fillon et Le Pen au second tour est l’hypothèse la plus vraisemblable, même si honnêtement un face à face entre Macron et Le Pen me semble quasiment aussi probable. On ne peut même pas exclure la présence de Mélenchon au second tour, même si je n’y crois pas vraiment.

Mais je vais maintenant abandonner le terrain des pronostics et expliquer pourquoi je crois que Fillon est le meilleur candidat. D’abord, je veux répondre à ceux qui pestent contre l’Union Européenne, au motif qu’elle nous empêcherait de mener une politique économique ambitieuse à cause de la règle qui nous interdit d’avoir un déficit supérieur à 3%, car on entend beaucoup cette connerie dans cette campagne et, plus généralement, dans les débats politiques depuis des années. Les gens qui disent ça ne savent à l’évidence pas comment fonctionne l’UE, puisqu’il est tout à fait clair que, en pratique, elle ne nous interdit rien du tout sur les déficits. Il est vrai que, d’après les traités, nous avons l’obligation d’avoir un déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB et que des sanctions peuvent être imposées en cas de violation de cette règle. Mais il est tout à fait évident que, dans les faits, les sanctions ne sont pas appliquées et que nous pouvons avoir les déficits que l’on veut. Les traités prévoient en effet que, si des sanctions doivent s’appliquer, elles sont décidées, non pas par la Commission européenne comme je l’entends souvent, mais par le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, à la majorité qualifiée inversée. En pratique, cela signifie qu’un grand pays comme la France ne peux pas être sanctionné, car il faudrait pour cela que 16 des 28 États représentant au moins 65% de la population de l’UE votent en faveur de sanctions. Or, ça n’arrivera jamais, parce que les États qui feraient ça prendraient le risque d’un vote défavorable de la France quand leurs intérêts seront en jeu et il n’y aura jamais assez d’États pour prendre un tel risque, car la France n’est pas le Luxembourg. De fait, la France viole allègrement les règles sur le déficit et la dette depuis des années, sans jamais avoir été sanctionnée.

Je n’ai aucun amour particulier pour l’UE et les bureaucrates de Bruxelles, qui sont à mon avis une bande de connards incapables, mais ça n’empêche pas qu’il est parfaitement inexact que c’est à cause d’eux que nous sommes dans le merdier actuel. Même s’il était vrai que l’UE nous interdit d’avoir une déficit de plus de 3%, ce serait à mon avis une excellente chose, parce que ça forcerait les démagogues qui nous gouvernent à faire plus attention à l’argent public. J’entends beaucoup de gens qui semblent penser que le déficit et la dette qu’il entraîne ne sont pas vraiment un problème, mais il est clair que ces gens-là n’ont jamais regardé un budget de près ou de loin. À l’heure actuelle, le seul paiement des intérêts de la dette représente plus de 45 milliards d’euros par an (c’est-à-dire plus de 10% du budget de l’État), ce qui en fait le second poste budgétaire derrière l’Éducation nationale qui représente environ 67 milliard d’euros. (Dans le document que je donne en lien, le premier poste budgétaire apparaît sous la mission « remboursement et dégrèvements », mais celle-ci ne représente pas vraiment des dépenses mais plutôt une réduction des recettes.) C’est environ 5 milliards de plus que le budget de la Défense, 1,7 fois le budget de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et 5.6 fois le budget de la Justice… Si vous pensez que ce n’est pas un problème de payer une telle somme en intérêts chaque année à des rentiers, je vous recommande d’aller vous jeter dans la rivière la plus proche. De plus, si la charge de la dette est si peu importe, c’est uniquement parce que les taux d’intérêt sont exceptionnellement bas depuis plusieurs années. Le jour où ils repartiront à la hausse, ce qui va forcément arriver à un moment ou à un autre, je peux vous garantir que vous allez tout de suite sentir la différence sur votre feuille d’impôts et qu’à ce moment-là vous comprendrez que la dette n’est pas seulement une notion abstraite qu’on peut ignorer sans aucune conséquence.

Il est aussi utile de se rappeler que, si nous avons un déficit, c’est par définition parce que les dépenses de l’État sont supérieures à ses recettes. D’autre part, il ne s’agit pas d’un problème conjoncturel mais structurel, puisque le Parlement n’a pas voté un budget à l’équilibre depuis 40 ans. Par conséquent, nous devons emprunter de l’argent pour financer les dépenses de l’État, puisque les recette n’y suffisent pas. Or, si vous regardez ce que proposent les gens qui prétendent que la dette n’est pas vraiment un problème, cela revient en pratique dans tous les cas à un défaut partiel. Mais si l’on faut défaut sur notre dette, ne serait-ce que partiellement, les créanciers ne voudront plus nous prêter sinon à des taux exorbitants. Si vous prêtez 100€ à un mec mais qu’il ne vous rembourse que la moitié, sans compter l’effet de l’inflation, vous n’allez pas lui prêter à nouveau la prochaine fois qu’il vous demandera de l’argent, à moins que vous ne soyez complètement débile. C’est exactement la même chose pour les gens qui achètent les bons du Trésor pour financer notre déficit. Ils ne font pas ça pour nos beaux yeux, mais parce qu’ils escomptent un profit. À la limite, le problème serait moins grave si, en même temps que nous faisions défaut, nous réduisions le déficit de façon à ne plus avoir besoin d’emprunter pour financer les dépenses de l’État. Mais les gens qui veulent que nous faisions défaut sur notre dette prévoient au contraire d’augmenter le déficit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils passent leur temps à se plaindre que l’UE nous empêche d’avoir un déficit supérieur à 3%, ce qui comme nous l’avons vu est par ailleurs complètement faux dans les faits. Pourtant, si nous les écoutions et que nous faisions défaut, nous devrions du jour au lendemain faire des coupes drastiques dans les dépenses et/ou augmenter massivement les impôts pour revenir à l’équilibre, puisque nous ne pourrions plus emprunter pour financer un déficit. En effet, de la même façon qu’un ménage ne peut pas dépenser plus qu’il ne gagne s’il n’a pas accès au crédit, les dépenses de l’État ne peuvent pas excéder ses recettes s’il ne peut pas emprunter.

Contrairement à ce que prétend Mélenchon, on ne peut pas non plus forcer la BCE à acheter notre dette, parce qu’elle n’acceptera jamais d’acheter l’équivalent de 3% à 5% du PIB en bons du Trésor chaque année. Il faudrait en effet une révision drastique des traités pour qu’une telle politique soit conforme aux règles qui régissent le fonctionnement de la BCE et nos partenaires européens ne l’accepteraient jamais. Même si nous revenions au franc et forcions la Banque de France a financer le déficit avec la planche à billet, ce qui serait l’unique possibilité devant le refus inévitable de nos partenaires européens de modifier les traités, il ne fait aucun doute que, à ce rythme-là, ça entraînerait tout de suite une inflation massive. En effet, contrairement à ce que répètent les démagogues de tous bords à longueur de temps, s’il était si facile de régler le problème du budget de l’État, ça se saurait. Ce n’est d’ailleurs pas comme si cela n’avait jamais été essayé, mais il n’y a tout simplement aucun exemple d’un État finançant un déficit pareil par de la création monétaire sans que cela génère une inflation massive. Ainsi, ne serait-ce que pour les raisons que je viens d’indiquer, la politique de Le Pen et Mélenchon serait un désastre sur le plan économique.

Il ne reste donc que Fillon et Macron, qui au moins n’ont pas un programme économique complètement fantaisiste. Le problème avec Macron, outre le fait que, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas toujours clair sur ce qu’il veut faire, c’est que je ne vois pas comment en pratique il pourrait faire de véritables réformes. En effet, pour réformer, il ne suffit pas de proclamer des platitudes devant un tas de connards sous le charme de leur gourou, il faut une majorité cohérente. Or, non seulement il n’est pas du tout évident que Macron puisse disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale, mais il est probable qu’il n’y parvienne pas. Même s’il parvenait à faire élire suffisamment de députés, ce dont je doute, il est clair que, en dépit de ses dénégations, un grand nombre d’entre eux seraient des socialistes repentis qui auront senti le vent tourner ou en tout cas viendraient de la gauche. Il me semble donc complètement illusoire de s’imaginer que Macron pourrait mener les réformes en profondeur dont l’économie française a un besoin urgent. J’entends déjà les gens m’expliquer qu’il faut y aller en douceur et ne pas brusquer la société française. Mais ça fait des décennies qu’on entend ça et on a vu le résultat… La vérité c’est que, même si c’est Fillon qui est élu, dans le meilleur des cas, il ne pourra faire que la moitié de ce qu’il dit, alors si c’est Macron il ne fera rien pendant 5 ans si ce n’est quelques réformettes qui ne changeront rien d’essentiel.

D’autre part, sur l’immigration et la politique étrangère, Macron serait un désastre. Hélas, sur le premier sujet, même Fillon ne sera pas très bon, mais il sera toujours mieux que Macron qui continuera la politique du quinquennat de Hollande, durant lequel on a régularisé et nationalisé à tours de bras… Je n’ai pas le temps d’expliquer pourquoi cette politique est une catastrophe, d’autant que je prévois de traiter la question en profondeur sur ce blog plus tard, mais il faut vraiment être aveugle, compte tenu de l’échec de l’intégration que tout le monde constate, pour penser que c’est en continuant à laisser entrer 200000 personnes par an que l’on va pouvoir régler le problème. Ce n’est pas être un xénophobe forcené que de dire une chose pareille, qui devrait être complètement banale aujourd’hui. Vous pouvez continuer à ignorer le problème si ça vous fait plaisir, mais il ne faudra pas venir chialer le jour où Le Pen gagnera, parce que ça aura fini par péter. En politique étrangère, Macron continuerait la politique de Hollande, qui a consisté à pousser la subordination de nos intérêts à ceux des Américains si loin qu’à coté même Sarkozy passe pour un défenseur acharné de la souveraineté française. On a d’ailleurs vu cela récemment, quand lors de l’émission de France 2 du 20 avril, Macron s’est empressé de rassurer les élites germano-pratines en assurant que, en dépit de ses explications confuses sur le plateau de l’Émission politique du 6 avril, il était complètement aligné sur la position américaine sur la question du conflit syrien. Quand on sait que cette position consiste à soutenir Al-Qaïda et les autres groupes extrémistes en Syrie dans l’espoir de renverser Assad, en dépit de l’évidente déstabilisation de la région, qui n’est déjà pas exactement un havre de paix, qui s’ensuivrait nécessairement, le moins que l’on puisse dire est que ça promet… Au contraire, autant Fillon n’est pas très bon sur l’immigration parce qu’il est beaucoup trop laxiste, autant il est excellent sur la politique étrangère. D’ailleurs, pour être tout à fait clair, je pense qu’il serait le meilleur Président sur cette question depuis au moins 40 ans.

Je veux aussi parler rapidement de la question de la morale, car je sais que beaucoup de gens ne manqueront pas de me rétorquer que c’est un problème avec Fillon. Sur la question des délits dont on l’accuse, je commencerai par rappeler que, même si le secret de l’instruction a été allègrement violé ces dernières semaines (ce qui est un scandale) pour lui faire la peau dans les médias, il n’est pas du tout certain que Fillon soit condamné. D’ailleurs, compte tenu de la nature des faits qui lui sont reprochés, ça me paraît tout à fait improbable. On avait aussi assassiné Woerth dans les médias il y a quelques années et l’enquête avait ensuite démontré qu’il était parfaitement innocent. Si la même chose arrive avec Fillon et qu’à cause de ça on se tape Macron qui, comme je l’ai expliqué, ne fera rien sinon des conneries en politique étrangère et sur l’immigration, vous aurez l’air de cons. Mais plus fondamentalement, même si Fillon est coupable de tout ce qu’on lui reproche, étant donné les enjeux de cette élection, ça n’a aucune importance. Comme je viens de l’expliquer, il a selon moi le meilleur programme, ainsi que les moyens d’en appliquer les mesures essentielles. À partir du moment où vous êtes d’accord avec moi sur ce point, le reste n’a absolument aucune importance. Même si Fillon ne parvenait à atteindre qu’un quart des objectifs qu’il s’est fixé, à coté de ça, les faits qui lui sont reprochés, même s’ils étaient avérés, seraient complètement insignifiants. N’importe quelle autre attitude sur cette question est parfaitement irrationnelle. Si je vous donne le choix entre avoir un mec corrompu à la tête de l’État mais un taux de chômage de 7% ou avoir un mec intègre mais un taux de chômage de 10% et que vous choisissez la seconde possibilité, je suis désolé de vous dire que vous êtes con comme un balai.

Enfin, je veux dire un mot des liens avec Sens Commun et du catholicisme intransigeant que l’on prête à Fillon, car c’est aussi quelque chose qui revient souvent. Cette histoire selon laquelle Fillon serait un catholique intégriste n’a absolument aucun rapport avec la réalité. C’est une histoire qui a été répandue pendant l’entre-deux-tours de la primaire de la droite parce que Juppé était désespéré, mais n’importe qui ayant un minimum de culture politique sait bien que c’est n’importe quoi. Fillon est un seguiniste passé à Sarkozy à la fin du second mandat de Chirac et, même si à titre personnel il est catholique, il n’a jamais été un proche des réseaux catholiques conservateurs en France et son catholicisme n’a jamais eu aucun effet notable sur ses choix politiques. Vous pouvez chercher dans la presse, vous ne trouverez pas un seul article avant le second tour de la primaire qui prétend que Fillon appartient à cette mouvance, ce qui montre bien que c’est du pipeau destiné à trompé les gens qui ne suivent pas la politique de près et/ou n’ont pas de mémoire. Cette histoire illustre d’ailleurs fort bien le principe selon lequel il suffit de répéter quelque chose suffisamment souvent pour que ça devienne vrai.

Quant à l’idée qu’il pourrait menacer le droit à l’avortement, c’est d’une connerie sans nom. Ça fait plus de 30 qu’il fait de la politique et, pendant toutes ces années, on peut sans doute compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où il a évoqué la question de l’avortement sans qu’on lui pose la question. Non seulement il n’a aucunement l’intention de revenir là-dessus, mais même s’il le voulait, ce serait absolument impossible dans le contexte politique français. Il faut vraiment habiter dans un monde parallèle pour croire que Fillon pourrait menacer le droit à l’avortement. De la même façon, il ne touchera pas au mariage homosexuel, qui est déjà entré dans les moeurs. Il n’y a que deux catégories de gens qui croient que l’on pourra revenir là-dessus : les cons de droite qui l’espèrent et les cons de gauche qui le craignent. Fillon a le soutien des gens de Sens Commun, qui ne sont pas non plus des fous furieux, ce sont juste des culs-bénits tout ce qu’il y a de plus classiques. Il ne va quand même pas leur cracher à la gueule alors qu’ils sont parmi les seuls qui ne l’ont pas trahi pendant la campagne. Mais ça ne veut pas dire qu’ils auront une influence importante s’il est élu et il est même évident que ce ça ne sera pas le cas. Mohamed Saou, qui est référent du mouvement de Macron et qu’il a défendu, est sans doute bien pire qu’eux, mais évidemment ne vous attendez pas à trouver des dizaines d’articles dans la presse à ce sujet, car les médias préfèrent faire semblant de craindre les hordes de catholiques assoiffés de sang de Sens Commun plutôt que de s’attaquer à leur chouchou…

4 thoughts

  1. « Better someone corrupt with a 7% unemployment rate to someone honest with a 10% unemployment rate » (excuse my clumsy translation).

    That all depends on how corrupt the second person is, doesn’t it? Corruption is a disease that spreads through a society. If masses see that their leaders are corrupt, they imitate them and you end up with a entire society where everyone cheats everyone. I assume that France is not like that today, but such societies do exist.

    Thus, honest leaders are important, not only because we don’t want them robing the tax-payers’ money, but also because they set an example which others follow. One of the many horrible things about Trump is that many kids (and not just kids) are going to follow him as a role model.

    1. Even if everything that people accuse Fillon of were true, he would still be nowhere as corrupt as Chirac or Mitterrand, who together governed France for 26 years. This didn’t make corruption endemic in French society, so I have no reason to think that Fillon’s victory would, even if he’s guilty. There is no good argument that someone who thinks that, on the issues, Fillon is the best candidate (which he is), should nevertheless not vote for him because he is accused of some petty shit. This is insignificant compared to what is at stake in this election.

  2. I long ago learned not to back candidates in elections in far-off countries, since there are always issues that one cannot understand within knowing the society well and in addition, there are often candidates whose positions look great in the media, but who are simply lemons or con-men or demagogues in search of a balcony.

    So since you are the only French-person I’m in contact with , I wish you and your candidate luck tomorrow. Although I wouldn’t have said that if you backed Marine Le Pen……

    1. It’s probably a wise position, unless you know a lot about the country in question, which is rare when you have never lived there. On the other hand, to be fair, people in France also say plenty of nonsense about the election… Anyway, thanks for the kind words, but I’ll be fine even if Fillon doesn’t win. I think that, if Macron wins, there will be a pretty interesting reorganization of French politics, so there is that.

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