Comme d’habitude après une victoire du FN, on a droit aux mêmes inepties sur le retour des heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire, le péril fasciste qui plane sur la France, etc. Donc ça fait plus de 30 ans qu’on leur fait le coup, mais de toute évidence, certains n’ont toujours pas compris… Enfin, il semblerait quand même que de plus en plus de gens comprennent que ce n’est que du cinéma, puisqu’au milieu des appels à barrer la route au fascisme, on entend aussi pas mal de gens déplorer que, contrairement à ce qui s’était passé en 2002, on ne voit pas de gigantesques manifestations contre le FN et les gens semblent considérer la présence du FN au second tour comme normale. C’est peut-être que, à force de les prendre pour des imbéciles, les gens finissent quand même par s’en apercevoir. Le FN n’est pas et n’a jamais été un parti fasciste : c’est pour l’essentiel un parti populiste de droite tout ce qu’il y a de plus classique, ce qui n’est pas du tout la même chose bien que beaucoup aient à l’évidence du mal à faire la différence.
Je vais faire un peu d’histoire, puisque c’est apparemment nécessaire. Le FN a été créé en 1972 par Ordre Nouveau, qui était en effet un parti que l’on peut qualifier de néo-fasciste. Mais les dirigeants d’Ordre Nouveau ont choisi Le Pen, qui n’était pas membre de leur parti, pour présider le FN précisément parce qu’il n’était pas fasciste et qu’ils avaient besoin d’une vitrine présentable. Malheureusement pour eux, Le Pen n’avait aucunement l’intention de se contenter d’un rôle de figuration, donc il a très rapidement pris le contrôle du parti et, à quelques exceptions près, les véritables fascistes sont partis ou ont été virés. D’autre part, contrairement à ce que les gens comme il faut (qui n’ont cependant jamais ouvert un livre d’histoire de leur vie) répètent à l’envi, le ciment qui unissait les différents courants qui constituaient le FN n’a jamais été le pétainisme. Il est vrai qu’il y avait des pétainistes parmi les fondateurs du mouvement, mais il y avait aussi beaucoup de résistants, seulement vous ne risquez pas de lire ça dans le Nouvel Observateur. Au tout début, il y avait même Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil National de la Résistance (un collaborateur forcené donc), même s’il est parti quasiment tout de suite à cause des mecs d’Ordre Nouveau. (J’ajoute que l’histoire de la Seconde Guerre n’est pas aussi simple que ce qu’on pourrait croire en lisant les Inrocks. Le fait d’être pétainiste n’était pas incompatible avec celui d’être résistant. Par exemple, Mitterrand était à la fois un vrai pétainiste et un vrai résistant, comme beaucoup d’autres gens. La plupart des généraux de la France libre, à quelques exceptions près comme Leclerc, étaient aussi pétainistes jusqu’au trognon.) La vérité est que ce qui unissait les différents courants au sein du FN n’était pas le pétainisme mais l’anti-gaullisme et l’anti-communisme.
Quant à Jean-Marie Le Pen, c’est une sorte d’anarchiste de droite qui, bien qu’il ait une excellente culture politique (contrairement à sa fille et aux crétins qui disent que c’est un nazi), n’a jamais été un idéologue et certainement pas un fasciste. Il n’a jamais eu aucun problème à faire évoluer la doctrine du parti au gré des circonstances et, dans bien des cas, pour des raisons de personnes, comme lorsqu’il s’est opposé à la stratégie d’alliance avec la droite dans les années 1990 parce qu’elle était portée par Mégret. Par exemple, dans les années 1980, il se voulait une sorte de Reagan français. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait une thèse sur l’histoire du fascisme pour savoir que les fascistes ont toujours vomi le libéralisme économique. À cet égard, Marine Le Pen est d’une certaine façon plus fasciste que son père, puisqu’au moins elle a une politique économique de gauche, même si on y retrouve encore quelques vestiges du poujadisme de son père.
Mais elle n’a pas la culture de son père et, pour cette raison, elle est devenue la créature de Philippot, qui contrôle aujourd’hui l’idéologie du parti. Or non seulement Philippot n’est pas fasciste, mais il vient de la gauche et, à vrai dire, il y est toujours, en tout cas idéologiquement. (Vous me direz, Mussolini venait aussi de la gauche, mais Philippot n’est pas Mussolini.) Il a en effet milité pour Chevènement à l’époque où il était à HEC et, aujourd’hui, il n’est jamais qu’un Chevènement conséquent. Chevènement, pour ceux qui ne connaissent pas bien l’histoire politique française, était le principal leader du CERES, un courant du PS qui constituait son aile gauche et, en effet, était très à gauche. (Cette organisation a joué un rôle important dans l’histoire du socialisme en France, puisque c’est le CERES qui a permis à Mitterrand de prendre le contrôle du PS au Congrès d’Épinay en 1971, après quoi il est devenu le candidat du PS aux élections présidentielles.) Bref, le FN n’est absolument pas un parti fasciste, pas davantage celui de Jean-Marie Le Pen que celui de Marine Le Pen. Ce n’est pas non plus un parti anti-démocratique et, en dépit des fantasmes de la gauche germano-pratine, Marine Le Pen n’ouvrirait pas des camps de concentration si elle gagnait un jour l’élection présidentielle. Contrairement au Parti Communiste Français, qui a pendant la plus grande partie de son existence maintenu un appareil clandestin destiné à renverser les institutions le moment venu, le FN a toujours accepté le jeu démocratique et n’a jamais donné la moindre raison de penser que, s’il parvenait au pouvoir, il mettrait à bas les institutions démocratiques de la France.
Puisque je parle du PCF, il est aussi utile de rappeler que, contrairement au FN qui n’a jamais collaboré avec les nazis pour la simple et bonne raison qu’il n’existait pas à l’époque, le PCF n’a pas hésité à négocier avec l’occupant après l’armistice. Il est vrai que, jusqu’à l’invasion de l’URSS en 1941, le Parti Communiste Français n’avait guère de problème avec les Allemands qui étaient des alliés des Soviétiques depuis la signature du pacte Molotov-Ribbentrop. Les communistes s’étaient même livrés à du sabotage dans les usines d’armement françaises. Ce n’est pas pour rien qu’il avait été interdit, non pas par Vichy, mais en 1939 par le Parlement issu du Front populaire. Il n’est entré officiellement dans la Résistance qu’à partir de 1941 et s’est livré avec beaucoup de succès à une réécriture totale de l’histoire après la guerre. En dépit de tout cela, vous n’avez jamais entendu qui que ce soit se plaindre que le PS fasse des alliances avec le PCF, ce qui est plutôt étrange n’est-ce pas… Si ça vous étonne, lisez donc le reste de ce billet, vous comprendrez pourquoi.
En effet, si ce que je dis est vrai, alors pourquoi tout le monde répète-t-il à longueur de temps que le FN est un parti fasciste, anti-démocratique, etc. ? Là encore, pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière. En 1983, la politique socialiste de Mitterrand ayant été un désastre, qui a notamment entraîné plusieurs dévaluations, il doit choisir entre la poursuite de cette politique et le maintien dans le Système monétaire européen. En effet, celui-ci exigeait que les taux de change entre les monnaies européennes restent dans une marge relativement étroite, que la politique socialiste rendait impossible. Étant au fond de lui fort peu socialiste, Mitterrand a choisi de rester dans l’Europe et de changer de politique économique plutôt que de persévérer sur le programme économique sur lequel il avait été élu (si ça vous rappelle quelqu’un, c’est tout à fait normal), décision connue depuis lors comme le « tournant de la rigueur ».
Mais cette décision posait à Mitterrand et au PS un problème de taille : leur électeurs avaient voté pour eux afin qu’ils mettent en place une politique économique de gauche ambitieuse et voilà qu’ils arrêtaient tout pour assurer le maintien de la France dans ce qui ne s’appelait pas encore l’Union européenne. Mitterrand savait bien que cela allait lui coûter cher politiquement et il avait donc besoin de quelque chose pour limiter la casse. Avec certains de ses conseillers, dont beaucoup d’anciens trotskistes, il a l’idée géniale de favoriser la montée du FN d’une part et de pousser à sa diabolisation d’autre part. Contrairement à ce qu’on raconte parfois, Mitterrand n’a pas créé de toutes pièces le FN, qui aurait percé de toute façon. (Le FN avait déjà remporté plusieurs succès au moment où Le Pen, grâce à l’intervention de Mitterrand, a été invité à l’Heure de Vérité, qui était l’émission politique phare de l’époque.) Mais il a tout fait pour l’encourager, notamment en changeant le mode de scrutin pour les législatives de 1986, ce qui a permis au FN de faire entrer une trentaine de députés à l’Assemblée.
L’idée était que, en faisant monter le FN, le PS allait diviser l’électorat de droite, ce qui d’ailleurs a fort bien marché et continue de marcher. Évidemment, ça ne pouvait aider le PS que si le RPR et l’UDF refusaient de faire alliance avec le FN, d’où la deuxième partie de la stratégie. Dans le même temps, Mitterrand et le PS ont en effet donné des moyens à des associations comme SOS Racisme (qui porte bien son nom puisqu’en effet personne n’a jamais fait autant pour le racisme) et encouragé leur développement, dans le but de diaboliser le FN et, par là même, de rendre difficile une alliance entre le FN et les partis de la droite traditionnelle. Dès lors que le PS parvenait à établir un cordon sanitaire autour du FN, tout en favorisant son développement, il pouvait gagner les élections ou du moins limiter la casse en dépit du fait qu’il était minoritaire.
Même si cela paraît incroyable aujourd’hui parce que les gens ont la mémoire courte, la diabolisation du FN n’a pas toujours été évidente, loin s’en faut. (Et, jusqu’au programme commun de la gauche dans les années 1970, c’était le Parti communiste qui était diabolisé, ce qui soit en passant était bien plus justifié que la diabolisation du FN, notamment pour les raisons que j’ai évoquées plus haut mais qui mériteraient un billet à part entière…) Pendant les années 1980, et jusque dans les années 1990, il y a plusieurs alliances entre le FN et les partis de la droite traditionnelle. La frontière entre le FN et les partis de la droite traditionnelle était en effet très poreuse, comme en témoignent également les nombreux transfuges, dans un sens comme dans l’autre. La droite a pendant longtemps hésité sur la marche à suivre, avant de finalement prendre la décision de refuser toute alliance avec le FN, en grande partie parce que Chirac est un con qui n’avait pas compris que Mitterrand était en train de le baiser dans les grandes largeurs ou du moins n’a pas eu la volonté de résister à cette opération.
De la même façon, le « front républicain » est un mythe qui n’a jamais existé, sinon dans l’imagination débordante des journalistes. Quand l’état-major du PS a appelé ses électeurs à voter pour la droite au second tour de législatives partielles dans les années 1980, mais seulement après que les candidats socialistes avaient été éliminés, il a non seulement dû faire face à l’opposition de plusieurs dirigeants socialistes comme Julien Dray (c’était l’époque où celui-ci avait encore quelques convictions, un problème qu’il a depuis réglé), mais surtout au refus de la droite. Alain Juppé, qui était à l’époque secrétaire général du RPR et qui passe aujourd’hui pour un modéré de toujours, dénonce à l’époque une « alliance contre nature ». Mais l’histoire du « détail » a rendu Le Pen radioactif et Chirac, qui comme beaucoup de grands fauves de la politique n’a jamais pu supporter qu’on ne l’aimât pas (ce qui est fatal pour quiconque prétend être un homme d’État, raison pour laquelle Chirac ne l’a jamais été), n’a pas su résister à la pression. Le Pen a rendu la chose encore plus difficile après ça, car il s’est dit que, grillé pour grillé, il allait continuer à faire de la provocation. Il s’est comporté comme Néron et c’est d’ailleurs en grande partie à cause de ça que la plupart des cadres sont partis avec Mégret au moment de la scission de 1998.
La stratégie de Mitterrand avait fonctionné à merveille, comme l’a montré l’élection présidentielle de 1988, où Chirac s’est fait éparpiller façon puzzle au second tour bien que le total des voix de droite au premier tour fût supérieur à celui des voix de gauche. Elle a continué de fonctionner depuis, car si la droite s’était alliée avec le FN, le PS et la gauche n’auraient vraisemblablement pas gagné une seule élection nationale au cours des 30 dernières années… Évidemment, ça aussi pu se retourner contre le PS, comme en 2002 quand le FN est passé devant le PS au premier tour et que Le Pen a éliminé Jospin. Mais, globalement, le FN reste une très bonne affaire pour le PS. Comme l’a rappelé Valérie Igounet à la page 127 de son livre sur l’histoire du FN, c’est d’ailleurs ce qu’a dit un jour Pierre Bérégovoy à Franz-Olivier Giesbert : « On a tout intérêt à pousser le Front national, il rend la droite inéligible. Plus il est fort, plus nous sommes imbattables. C’est la chance historique des socialistes. »
C’est pour cette raison que le PS prône le prétendu « front républicain » et retire ses listes là où le FN peut gagner. Si vous croyez que c’est parce qu’ils ont peur de la menace fasciste que fait peser le FN sur la France, vous n’avez décidément rien compris. Il suffit de jeter un coup d’oeil aux résultats du premier tour des régionales de 2015 pour s’apercevoir de l’intérêt de la manoeuvre pour le PS : si le FN n’existait pas et ne piquait pas autant de voix à la droite, le PS ne pourrait pas gagner la moindre région en métropole, pas même la Bretagne ! De la même façon, si la droite faisait alliance avec le FN, le PS aurait été écrasé partout. La seule et unique raison pour laquelle le PS a retiré ses listes, c’est qu’il souhaitait coût que coût préserver la diabolisation du FN et empêcher la droite de s’allier avec lui. En se retirant, le PS perdait 2 ou 3 régions, tandis que si la droite s’allie un jour avec le FN, il perdra tout. Faites le calcul, parce que je peux vous garantir qu’au PS, ils l’ont déjà fait depuis longtemps… Ce qui était vrai jusqu’à présent pour les socialistes sera vrai demain pour ce qui sortira de l’alliance qui s’annonce entre le mouvement de Macron et l’aile sociale-libérale du PS.
Non mais est-ce que vous pensez vraiment que Cambadélis croît un traître mot de ce qu’il raconte quand il explique que, entre autres conneries du même genre, le FN c’est le retour du Vichy ? Je suis sûr que, quand il est seuls avec ses amis, il doit bien se foutre de votre gueule ! C’est un ancien trotskiste de l’OCI, une organisation qui prônait l’entrisme dans les organisations concurrentes, notamment au PS. Si les gens connaissaient ne serait-ce qu’un tout petit peu l’histoire de l’OCI, ils sauraient que la morale en politique, il s’en tamponne le coquillart Cambadélis. C’est un repris de justice qui, entre autres choses (il a aussi été condamné dans l’affaire de la MNEF), a été condamné dans les années 1990 pour avoir bénéficié d’un emploi fictif au sein d’une société dirigée par un ancien dirigeant du FN (ce que Cambadélis savait pertinemment, puisque c’est l’un des meilleurs connaisseurs du milieu politique français, notamment de l’extrême-droite sur laquelle il a écrit un livre) qui gérait des foyers pour travailleurs immigrés qu’elle logeait apparemment dans des conditions déplorables. Est-ce qu’en dépit de tout cela vous croyez vraiment qu’il craint le retour du fascisme ? Il faut se réveiller !
Quant au Parti Communiste Français, jusque dans les années 1990, il était violemment opposé à l’immigration. Le maire communiste de Vitry-sur-Seine était allé jusqu’à faire détruire au bulldozer un foyer de travailleurs immigrés. Vous connaissez beaucoup d’élus FN qui ont fait ça ? Mais ça n’a pourtant jamais empêché le PS de s’allier au PCF et je n’ai jamais entendu Cambadélis ou qui que ce soit d’autre au PS nous expliquer que le PCF était un ramassis de fascistes. De la même façon, comme je l’ai déjà noté plus haut, personne ne parle jamais de ses compromissions avec les Allemands pendant la guerre avant l’invasion de l’URSS. C’est tout simplement que, contrairement au « front républicain », à partir des années 1970, le PS n’avait aucun intérêt à diaboliser le PCF. Ce fut d’ailleurs une rupture avec son histoire, puisqu’avant le Congrès d’Épinay, la SFIO avait toujours refusé la moindre alliance avec le PCF. Un « front républicain » a bien existé dans les faits après 1945, mais il était dirigé contre le PCF !
Si vous ne croyez pas ce que je vous dis, vous croirez peut-être Jospin, qui s’est exprimé très clairement sur la réalité de la « menace fasciste » au micro de France Culture il y a quelques années : « Pendant toutes les années du mitterrandisme nous n’avons jamais été face à une menace fasciste et donc tout anti-fascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front National, qui était un parti d’extrême-droite, un parti populiste aussi, à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste et même face à un parti fasciste. » Les gens qui croient aux inepties sur le péril fasciste que ferait peser le FN sur la France ne sont que les idiots utiles du PS. En effet, je peux vous garantir que les dirigeants du PS n’en croient pas un traître mot et qu’ils se foutent bien de la gueule des gens qui sont allés voter pour Chirac, un sac à merde qu’ils conchiaient, pour faire barrage à la « menace fasciste ».
Quant à la droite, ses dirigeants ne croient pas davantage à ce qu’ils racontent sur le FN que les dirigeants du PS. Ils jouent le jeu uniquement parce qu’il est trop tard pour s’allier avec le FN et qu’ils veulent éviter que leur électorat ne s’évapore complètement. Si vous lisez le programme commun du RPR et de l’UDF de 1990, et notamment ce que les dirigeants de ces partis disaient à l’époque sur l’immigration, vous verrez qu’à coté le programme de Marine Le Pen, c’est du pipi de chat. Or, à votre avis, qui étaient les dirigeants du RPR et de l’UDF à cette époque ? Réponse : en grande partie les mêmes que ceux des Républicains et de l’UDI aujourd’hui ! Juppé, par exemple, était alors secrétaire général du RPR. Le même Juppé qui, depuis quelques années, s’est reconverti en modéré et aime se montrer aux cotés de Tareq Oubrou avec qui il prône le « vivre-ensemble », expliquait à l’époque avec les dirigeants du RPR et de l’UDF, dont Nicolas Sarkozy, qu’il y avait « incompatibilité entre l’islam et nos lois ». Mais, étrangement, je n’entends personne expliquer que Juppé, Sarkozy et compagnie sont des fascistes, ni même qu’ils étaient fascistes en 1990, avant de retrouver par miracle le chemin de la démocratie…
Je finis ce long billet par une remarque sur les absentionnistes et ceux qui leur reprochent d’être responsables de la nazification de la France s’ils ne vont pas voter. Je crois que j’en ai dit assez pour montrer que, s’il y a des cons dans cette histoire, ce sont plutôt ceux qui vont voter pour un mec qu’ils conchient parce qu’ils avalent la propagande du système politico-médiatique sur le « péril fasciste ». On est pas obligé d’être les idiots utiles du socialisme ou de son avatar macroniste. Si vous n’avez pas envie de voter pour Macron, vous n’avez qu’à restez chez vous ou aller à la pêche, ça vous évitera de faire une connerie. De toute façon, comme je l’ai expliqué après le premier tour, Le Pen ne gagnera pas. Mélenchon a parfaitement raison de ne pas appeler à voter pour Macron : c’est politiquement stupide et moralement inepte pour quelqu’un qui représente la gauche anti-libérale. (Je dis ça alors que, à l’exception des questions de politique étrangère, je suis en désaccord total avec Mélenchon sur la politique socio-économique et la question des institutions.) Quoi qu’il en soit, si vous insistez pour aller voter Macron afin de faire barrage à la « menace fasciste », bien vous en prenne. Mais ne venez pas emmerder avec vos leçons de morale à la petite semaine ceux qui préfèrent aller à la pêche plutôt que d’aller voter parce qu’on leur expliquent que Hitler est aux portes du pouvoir.
MISE À JOUR : Plusieurs personnes qui ont par ailleurs trouvé mon article intéressant m’ont dit que la grossièreté de certains de mes propos nuisait à sa crédibilité. J’ai tendance à démarrer au quart de tour et, quand j’ai écrit cet article, j’étais assez remonté. Mais comme je crois qu’ils ont raison, j’ai modifié le texte en retirant les propos les plus grossiers. Je n’ai bien sûr pas changé le fond de mon propos d’un iota.
Philippe –
Je suis d’accord dans les grandes lignes dont j’étais familier et ravi d’en apprendre plus dans le détail. Concédons que la « fascisation » du FN est un reflet jeté par le miroir tactique du PS, puis par celui de presque l’ensemble de la classe politique française. Cela affecte-t-il les raisons que l’on peut raisonnablement avoir de craindre une montée au pouvoir de Le Pen et du FN ? Nuancer la diabolisation systématique du FN à des fins politiciennes n’est pas exclusif de profonds désaccords avec ce que le parti et son candidat représentent, promettent, font espérer, seraient susceptibles de réaliser, et plus généralement avec les effets indirects qu’ils ont sur la société française. Quoi que tu en dises, je n’aimerais pas être musulman et/ou immigré ou fils d’immigré sous une présidence Le Pen, et ce quoi que personnellement elle pense des immigrés et des musulmans. Le simple fait qu’une fraction non triviale des partisans et militants du FN ne soient guère fréquentables peut au moins rendre crédible l’idée que ces personnes, aujourd’hui pour beaucoup vulnérables, souffrent directement ou indirectement de son élection. Quoi que tu en dises, et même si je suis d’accord que le FN ne représente pas une menace pour les institutions démocratiques, je n’ai guère confiance dans leur capacité de gouverner de façon apaisée un pays divisé, affaibli et qui, plus souvent à tort qu’à raison, voit dans les institutions républicaines et à l’Europe, la source de tous ses maux.
Cela m’intéresserait de savoir si, et dans ce cas pourquoi, tu penses qu’on n’a pas moins à craindre d’une présidence Macron (pas du tout sûr que ce soit ce que tu penses, c’est pour ça que je demande). Encore une fois, la question est indépendante de savoir si oui ou non le FN est un parti fasciste. Je suis parfaitement d’accord que l’étiquette est un écran de fumée, historiquement et conceptuellement trompeur, mais l’essentiel est que nombre des connotations négatives que des gens raisonnables associent à l’étiquette se trouvent incarnées dans une certaine mesure par le FN.
Sans conviction,
Nicolas
Je suis évidemment d’accord que l’on peut tout à fait avoir s’opposer au FN même si on reconnaît que ce n’est pas un parti fasciste. Je suis même d’accord qu’une victoire de Le Pen serait pire qu’une victoire de Macron, mais pas parce qu’elle représenterait un danger pour les musulmans, immigrés et descendants d’immigrés, ce à quoi je ne crois pas un instant.
Je crois que le véritable danger pour la paix sociale en général, pas seulement pour les musulmans, immigrés et descendants d’immigrés, c’est entre autres choses la poursuite de l’immigration de masse que l’on connaît depuis plusieurs décennies. Compte tenu des tendances démographiques et de l’échec patent de l’intégration jusqu’à présent, je pense que si on continue à ignorer le problème en prétendant qu’on peut le régler sans réduire drastiquement les flux migratoires, on va au devant d’une catastrophe monumentale.
Simplement, comme je crois aussi que Le Pen est une démagogue incompétente qui ruinerait l’économie française et que je ne sache pas qu’elle propose des solutions réalistes à ce problème (qui pourtant existent en dépit de ce que prétendent les gens bien comme il faut), je n’imagine pas un instant qu’elle réglerait ce problème si elle était élu.
Mais pour autant je n’ai aucune envie de voter pour Macron, qui de toute façon va gagner, parce que même si je ne crois pas que sa présidence sera aussi désastreuse que celle de Le Pen, je crois qu’elle sera néanmoins un échec et je ne veux rien avoir à faire avec lui. Si Le Pen avait une chance réelle de passer, ce serait une autre histoire, mais ce n’est pas le cas, puisqu’elle va se faire torcher.
Enfin, je ne supporte pas cette propagande et les manipulations autour du FN, qui ne vise qu’à assurer la survie du PS et de son avatar macroniste. Je supporte encore moins quand les connards qui avalent cette propagande pissent à la gueule de ceux qui ne veulent pas de leur merde.
Je crois par ailleurs que le mythe du péril fasciste a joué un rôle important dans la confiscation du sujet de l’immigration par le FN (puisqu’en faisant du FN un parti radioactif, on a par là-même rendu ce sujet tabou), dont comme je l’ai expliqué plus haut, je pense qu’il est urgent que l’on s’occupe sérieusement. Or, non seulement Macron ne réglera pas ce problème, mais il va même aggraver les choses. C’est aussi pourquoi je pense qu’il est important de détruire ce mythe.
« Je crois que le véritable danger pour la paix sociale en général, pas seulement pour les musulmans, immigrés et descendants d’immigrés, c’est entre autres choses la poursuite de l’immigration de masse que l’on connaît depuis plusieurs décennies. Compte tenu des tendances démographiques et de l’échec patent de l’intégration jusqu’à présent, je pense que si on continue à ignorer le problème en prétendant qu’on peut le régler sans réduire drastiquement les flux migratoires, on va au devant d’une catastrophe monumentale. »
C’est un point de désaccord important. C’est d’ailleurs une des rares choses que je mets au crédit de Macron, sa volonté d’ouverture des frontières. C’est un désaccord moral (il s’agit en partie d’aider les plus vulnérables) et empirique (sur l’impact net de l’immigration), qu’on ne règlera pas ici mais qui au moins est raisonnable.
« Simplement, comme je crois aussi que Le Pen est une démagogue incompétente qui ruinerait l’économie française et que je ne sache pas qu’elle propose des solutions réalistes à ce problème (qui pourtant existent en dépit de ce que prétendent les gens bien comme il faut), je n’imagine pas un instant qu’elle réglerait ce problème si elle était élu. »
Amen.
« Mais pour autant je n’ai aucune envie de voter pour Macron, qui de toute façon va gagner, parce que même si je ne crois pas que sa présidence sera aussi désastreuse que celle de Le Pen, je crois qu’elle sera néanmoins un échec et je ne veux rien avoir à faire avec lui. Si Le Pen avait une chance réelle de passer, ce serait une autre histoire, mais ce n’est pas le cas, puisqu’elle va se faire torcher. »
Argument similaire à celui des Insoumis ni-ni. Je concède la prémisse empirique (on a de bonnes raisons de croire que peu de gens vont se comporter comme eux et toi et donc qu’elle n’a guère de chance de passer). Mais je suis peu séduit par les raisons de pureté qui empêchent les gens 1) de minimiser le risque, aussi faible soit-il déjà; 2) de foutre une vraie claque à une « démagogue incompétente » (et selon moi indirectement dangereuse pour les minorités – mais j’ai compris qu’on n’était pas d’accord là-dessus). Cela étant dit, encore une fois en concédant ta prémisse empirique, les gens sont parfaitement libres de faire ce qu’ils veulent de leur droit de vote. Si personnellement la pureté leur importe, et s’ils ne causent de tort à personne, ça ne me gêne pas.
« Enfin, je ne supporte pas cette propagande et les manipulations autour du FN, qui ne vise qu’à assurer la survie du PS et de son avatar macroniste. Je supporte encore moins quand les connards qui avalent cette propagande pissent à la gueule de ceux qui ne veulent pas de leur merde. »
J’avais bien compris (!) mais tu auras noté que je n’ai rien insinué de tel et que la survie du PS et/ou du macronisme est le cadet de mes soucis.
Quant au « mythe du péril fasciste », tu sais bien trop de choses sur l’histoire et le fonctionnement de la politique (y compris ceux du FN) pour ignorer que c’est principalement un artifice rhétorique et, dans cette mesure, un outil politique légitime pour autant qu’on y tolère la rhétorique. Sa véracité n’importe ni plus ni moins que celle d’autres artifices. C’est après tout de bonne guerre et dans l’intérêt des partis qui le manient — comme tu le montres bien — à merveille. Maintenant, tu peux désapprouver l’usage de ce genre de rhétorique en politique, et le fait que les partis défendent leurs intérêts propres, mais ce n’est pas l’apanage de la rhétorique anti-FN. S’il en est un qui maniait bien la rhétorique, tu le rappelles aussi, c’est N’a-Qu’un-Oeil. S’il en est un qui s’est pris les pieds dedans, c’est Fillon.
Sur ce, espérons que tes pronostics soient justes.
Ma réponse suggérait que mon choix de ne pas voter pour Macron au second tour était motivé par des raisons de pureté idéologique, donc je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si tu l’as compris comme ça puisque c’était clairement la lecture la plus naturelle de mon commentaire, mais en vérité les raisons de pureté idéologique n’ont pas grande importance pour moi. (Si ce n’est pas encore clair, la suite de mon commentaire devrait t’en convaincre.) La seule raison pour laquelle je mentionne ce genre de considérations, c’est que je crois que l’enjeu est inexistant parce que compte tenu de l’avance de Macron sur Le Pen mon vote et ce que je dis ont une probabilité d’influencer le résultat qui, en pratique, est égale à zéro. En réalité, contrairement à toi, même si je ne veux pas qu’elle gagne (mais encore une fois ça ne risque pas d’arriver), j’espère que Le Pen fera le score le plus haut possible. La raison est que, plus elle fait un score important, plus il est probable que les politiciens prendront au sérieux la question de l’immigration. En particulier, chez les Républicains, un score trop faible de Le Pen pourrait accréditer l’idée qu’ils n’ont pas à se préoccuper de cette question, encore que compte tenu de l’état d’esprit de leurs militants je ne m’en fais pas trop à ce sujet. À vrai dire, si je pensais que mon vote ou ce que je dis pouvait avoir une influence notable, j’encouragerais même pour cette raison les gens à voter pour Le Pen, mais comme je crois que ce n’est pas le cas je ne vois pas l’intérêt de vaincre la répugnance que j’aurais à voter pour une démagogue. Naturellement, tout cela repose sur ma croyance que l’immigration de masse est un problème fondamental, point sur lequel nous sommes à l’évidence en désaccord. Mais c’est une question très complexe et, comme tu l’as dit toi-même, ce n’est pas ici que nous allons régler cela. En tout cas pas maintenant, mais je compte publier des billets très détaillés sur l’immigration quand j’aurai le temps, donc nous pourrons peut-être en débattre à ce moment-là.
Sur ce point je crains d’être en désaccord total avec toi. Plus exactement, je suis d’accord que d’une certaine façon c’est de bonne guerre, puisque la politique n’a jamais été pour les enfants de coeur. Mais il me semble tout à fait clair que cet artifice-là a eu des conséquences bien plus importantes que n’importe quel autre depuis les années 1980 et, de mon point de vue, bien plus désastreuses. La diabolisation du FN, qui pour être juste doit aussi beaucoup à l’attitude irresponsable et souvent détestable de Jean-Marie Le Pen, prive en effet la droite de l’hégémonie politique dont elle jouirait autrement. Je souhaite donc que les mythes qui perpétue cette situation soient détruits, que le FN finisse de virer les tarés (ce qui est déjà largement le cas) et renonce ou du moins tempère suffisamment sa démagogie sur les questions d’Europe et de politique économique (on est malheureusement loin du compte), afin qu’une alliance avec la droite soit possible. Dans ces conditions, je crois que la gauche se retrouverait dans une situation très difficile et, à force de se prendre des roustes, finirait par rejoindre le consensus que je souhaite sur l’immigration, de la même façon qu’au Royaume-Uni le Labour a été contraint de renoncer à ses délires socialistes à force de se prendre des branlées électorales. (Comme tu le sais probablement, il a eu récemment une rechute avec Corbyn, mais je prédis que la déroute qui s’annonce aux prochaines élections aura vite fait de régler le problème. Même si celle-là n’y suffit pas, la prochaine s’en chargera.) Je pense en effet que, pour être à la fois efficace et pérenne, le genre de politique d’immigration que je souhaite (dont je parlerai quand j’aurai le temps) nécessite un large consensus politique et je sais qu’il ne faut compter que sur l’intérêt bien compris des politiciens pour y parvenir.
Si je puis me permettre:
1/ Si tout est une question d’étiquette, je ne vois pas où est le problème. Oui, il va de soi que les Le Pen (qui, tout comme le FN lui-même, ne sont d’ailleurs pas un bloc homogène) ne sont pas « fascistes » au sens historique du terme . Cela n’interdit pas de dénoncer leurs idées et de reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un parti républicain. Son mode de gestion municipale en fournit déjà un bel exemple. N’oublions pas que la constitution française donne à un président des outils conséquents pour réaliser ses tentations autoritaires.
2/ Les platitudes malthusiennes sur l’immigration et la démographie ainsi que sur le supposé échec patent de l’intégration montrent assez le biais qui est le vôtre sur ce sujet. On rejette le programme du FN « car c’est incompétent économiquement » mais on en accepte le postulat de base. Okay.
3/ L’argument rebattu : « arrêtez de mépriser les petites gens qui votent qui ont FN, ils ont des problèmes vous savez » est d’une condescendance crasse. Je viens d’un milieu populaire, j’ai de nombreux amis qui gagnent le SMIC, cela ne les fait pas voter FN, même si, comme c’est également mon cas, ils auront beaucoup de réticence à voter Macron. Voter FN c’est un choix, pour lequel on est moralement responsable, point barre. Cela ne veut pas dire qu’il faille mépriser les électeurs FN, mais qu’il faut tout d’abord les convaincre, et si on n’y arrive pas, les combattre. Evidemment, ce n’est pas en ressassant l’idée selon laquelle les maux de la France sont dus à l’immigration qu’on y arrivera.
NOTE DE PHILIPPE LEMOINE : Comme je l’explique dans l’ajout que j’ai fait à mon article, je l’ai modifié afin de retirer les passages les plus grossiers, car ne voulais pas que ça nuise à sa portée. Pour que le propos de Mathieu puisse être compris en dépit de cette modification, je précise que dans son troisième point, il fait référence à un post scriptum que j’avais initialement ajouté à la fin de mon article, dans lequel je m’en prenais en termes assez grossiers aux gens qui se foutent de la gueule des électeurs frontières venant de catégories socio-économiques défavorisées, par exemple en s’amusant de leur maîtrise approximative du français. Je n’ai évidemment pas touché le commentaire de Mathieu.
Philippe –
Pour rebondir sur ce qu’écrit Mathieu, je pense que ton propos serait mieux servi si tu mettais autant d’effort à soutenir empiriquement tes affirmations sur l’immigration que en mets à sauver le FN.
Quant au troisième point, je suis d’accord avec Mathieu. C’est comme ici avec les électeurs de Trump. La plupart de ces gens savent ce qu’ils font, ont ce qu’ils veulent et, d’après les sondages, en sont plutôt contents. Je ne vois pas en quoi ce serait leur faire insulte que de les tenir responsables de leurs actes, au contraire.
Enfin, à te lire, je crois qu’il est maintenant clair que la seule raison pour laquelle tu juges la diabolisation du FN néfaste est instrumentale et relative à tes propres fins. Tu veux voir la droite républicaine gagner. Il serait, encore une fois pour mieux servir ton propos, de l’annoncer clairement dès le début. Full disclosure. A moins encore une fois que tu veuilles rendre la politique plus vertueuse mais je ne sache pas que ce soit ton souhait.
Il y a un temps pour tout. Ce billet porte sur les mythe du péril fasciste que ferait peser le FN sur la France et explique ces origines. Peu importe les raisons pour lesquelles je l’ai écrit, à partir du moment où ce que je dis est exact (ce dont il me semblait que tu avais toi-même convenu), il serait injuste de me reprocher de ne pas étayer les affirmations empiriques que j’ai faites en réponse à tes questions dans les commentaires. Tu n’as pas davantage étayé ton déni de ces affirmations et, par ailleurs, je doute que quand quelqu’un affirme que l’immigration a un effet positif sur la France dans une conversation qui ne porte qu’indirectement sur cette question, tu lui demandes de prouver ce qu’il dit.
Il me semblait que nous étions d’ailleurs convenus plus haut que c’était une question complexe, à la fois normative et empirique, que nous n’allions pas régler ici. Mais puisque tu sembles penser que mes positions sur l’immigration ne sont pas justifiées empiriquement, je veux juste donner un exemple précis de mal que j’attribue à l’immigration et, à défaut d’étayer mon affirmation (ce que je compte faire en détail quand j’aurai le temps), expliquer ce qui me pousse à tirer cette conclusion.
Je crois que, parmi les nombreuses raisons pour lesquelles l’immigration est un problème, l’une est qu’elle pèse très lourd sur les finances publiques. Quand ils entendent ça, la plupart des gens éduqués disent que, comme l’ont montré des études, c’est parfaitement faux. Bien que généralement ils ne le savent pas, ils font référence à une étude de Xavier Chojnicki, que contrairement 99% des gens qui en parlent j’ai lu. Or, non seulement cette étude ne démontre pas que l’immigration a un impact positif sur les finances publiques, mais pour autant qu’elle démontre quelque chose, c’est exactement le contraire.
La raison pour laquelle c’est vrai et pourquoi Chojnicki peut néanmoins prétendre dans les médias que l’immigration a un impact positif sur les finances publiques, en dépit de ce que montre réellement son étude, est difficile à expliquer en quelques mots, mais comme je l’ai dit, je compte publier un billet détaillé sur la question quand j’aurai le temps. Encore une fois, je suis sûr que tu as souvent entendu des gens prétendre que l’immigration avait un impact positif sur les finances publiques, mais ça m’étonnerait beaucoup que tu leur aies jamais demandé d’étayer cette affirmation. Ça m’étonnerait aussi quelque peu que tu aies lu l’étude de plus de 200 pages de Chojnicki, car très peu de gens l’ont fait.
J’ai déjà répondu à Mathieu sur ce point.
Je ne vois pas ce qui te permet de dire ça et je crois que c’est une accusation tout à fait injustifiée. Il est vrai que je crois que la déconstruction du mythe auquel je m’attaque dans mon billet a un intérêt politique, ce que je ne cherche pas à cacher puisque c’est moi-même qui l’ai dit en réponse à tes questions, mais ce n’est pas incompatible avec le souci de la vérité, dont j’aime à penser qu’il m’anime également. Ça m’étonnerait beaucoup que tu demandes aux gens avec qui tu es d’accord politiquement de systématiquement présenter toutes les raisons qu’ils ont de tenir les propos qu’ils tiennent, y compris quand les propos en questions sont faux, ce qui n’est pas le cas de ceux que j’ai tenu dans mon billet. C’est d’ailleurs à mon avis la seule question ici : est-ce que ce que je dis dans mon billet est vrai ou pas ? Si c’est le cas, peu importe pourquoi je le dis. Si ce n’est pas le cas, montre moi que ce que je dis est faux.
Fair enough. J’ai concédé nombre de tes points et n’en retire rien. Je ne te reproche pas de ne pas avoir détaillé ta position sur l’immigration. Simplement, vu l’importance que ça a pour toi, on est en droit d’en demander plus.
Il faut aussi arrêter: 4) de présumer tout et n’importe quoi au sujet de ce que les gens ont lu, font en conversation, etc. Beaucoup de tes objections sont ad hominem et spéculatives.
Vu que je n’aime guère ta facheuse habitude de présupposer que tes interlocuteurs ne savent pas de quoi ils parlent je ne rentrerai pas dans ton jeu. Je n’ai pas voulu étayer de position sur l’immigration, ce n’est pas mon blog. Mais si tu le voulais je serais ravi de le faire.
Quant à la vérité, si, tes fins politiques importent puisque, comme je l’ai souligné, la valeur négative que tu attribues à la diabolisation du FN (indépendamment des faits) dépend directement de tes fins. Est-il vrai qu’il est regrettable que le FN ait été diabolisé? Oui et non. Historiquement, c’est dommage, car la vérité importe beaucoup. Mais dans le cadre d’un combat politique c’est tout autre chose. Je ne défends pas ici le fait de mentir à tort et à travers. Seulement, si l’on reconnait que l’ennemi le mérite, la propagande est de bonne guerre. C’était mon seul point.
Voilà, maintenant je pense que tu es trop sur la défensive pour que ce débat avance sainement, et j’ai du travail. Mais c’était un échange intéressant. Merci de ta patience.
Je te présente mes excuses, et je dis ça sincèrement, pour m’être en effet à des spéculations qui n’avaient pas lieu d’être dans ma réponse. Mais tu dois reconnaître que, dans sa première réponse, Mathieu a fait essentiellement la même chose en m’attribuant des « platitudes » ou en m’accusant de « ressasser » des idées dont à l’évidence il croit que l’inexactitude va de soi, sans que cela t’ait choqué le moins du monde, bien au contraire.
Sur le reste, je compte présenter mes positions sur divers aspects du débat sur l’immigration en détail quand j’aurai le temps, donc je peux te promettre que tu ne resteras pas éternellement sur ta faim, même si comme j’ai moi aussi du travail je ne peux rien promettre sur quand je commencerai à écrire là-dessus. J’espère que tu me feras part de tes objections à ce moment-là.
Je comprends ta décision de ne pas poursuivre cette discussion, mais je veux juste répondre à un point que tu as soulevé.
Je t’accorde volontiers cela, mais je ne suis toujours pas certain de comprendre ce que tu me reproches. Si je comprends bien, mais encore une fois je ne suis pas sûr que ce soit le cas, tu aurais voulu que mon billet ait inclus une discussion de la question de savoir si la diabolisation du FN, bien que reposant sur des manipulations, n’était pas néanmoins une bonne chose. Si c’est effectivement ce que tu me reproches, je ne crois que ce soit juste. J’ai déjà écrit un billet de plus de 3500 mots, qui portait sur une question bien précise. J’ai également autre chose à faire que d’écrire sur mon blog. Je n’allais donc pas en plus ajouter une discussion de cette question, ce qui pour être fait comme il faut, aurait sans doute requis que j’écrive un billet deux fois plus long. Tu répondras peut-être que j’aurais pu indiqué ma position succinctement sans pour autant entrer dans les détails. Si c’est le cas, c’est uniquement parce que tu n’es pas ouvertement de droite dans le milieu universitaire, parce que si c’était le cas tu saurais que quand on défend ce genre de position un a intérêt à assurer ses arrières en bétonnant ses arguments. Au risque de me livrer une fois de plus à de la spéculation, je suspecte que, contrairement à moi, on ne n’a pas souvent traité de fasciste, raciste, etc. en public, que tu n’avais jamais été convoqué par ton employeur pour opinion non conforme, etc. Enfin, ce qui est peut-être encore plus important, si tu crois vraiment qu’en politique la fin justifie les moyens (sans pousser ce principe trop loin, je l’ai bien compris), tu peux difficilement me reprocher et encore moins t’étonner que j’ai voulu séparer la question de la vérité des accusations contre le FN de celle de l’opportunité de porter ces accusations à son encontre, qui aurait eu pour seul effet de réduire ma crédibilité alors même que, de ton propre aveu, ce que je dis est parfaitement exact.
P. S. Ton commentaire commence avec un point 4, mais il n’y a pas de points 1, 2 et 3 ?
Il faut arrêter :
1) de prendre tout désaccord avec X comme une insulte et l’affirmation que X est un imbécile;
2) de dire à ceux qui ne sont pas d’accord avec toi de lire des livres; c’est incroyablement condescendant et mal placé
3) d’insulter tout le monde à tour de bras.
Encore une fois, éviter 1, 2 et 3 servirait mieux ton propos. My two cents.
Mathieu,
1) En quoi le FN n’est-il pas un parti républicain et, d’ailleurs, qu’est-ce que ça veut dire ? AJOUT : Admettons même qu’il y a un sens intéressant du mot républicain tel que le FN ne soit pas un parti républicain en ce sens, ce que je ne crois pas un instant, pourquoi serait-il moins républicain que le PCF ? Comme je l’explique en passant dans mon billet, pendant la majeure partie de son existence, le PCF rejetait explicitement les formes libérales et démocratiques de gouvernement et son but était de remplacer nos institutions par un régime autoritaire. Pendant très longtemps, il a même entretenu une organisation clandestine, dans le but de préparer le renversement du régime le moment venu. Par ailleurs, il était par ses statuts et dans les faits subordonné à une puissance étrangère où régnait un régime totalitaire. Tout cela n’est pas contestable et, si vous croyez que ce n’est pas vrai, je peux vous fournir des références. Rien de tout ça n’a jamais été vrai du FN, donc à supposer même qu’il ne fût pas un parti républicain, j’aimerais savoir pourquoi à gauche on ne dit pas la même chose du PCF, du moins plus depuis qu’il s’est allié avec le PS.
2) Quelles sont donc les « platitudes malthusiennes sur l’immigration et la démographie ainsi que sur le supposé échec patent de l’intégration » dont je fais selon vous preuve ? Si vous croyez que tous les gens qui pensent que l’intégration est un échec patent sont des imbéciles qui ne savent pas de quoi ils parlent, vous ne devez pas avoir lu grand chose sur l’immigration en France. Mais je compte traiter de cette question en détail dès que j’aurai le temps, donc nous pourrons en reparler à ce moment-là. Il est possible que, quand j’aurai écrit sur cette question, vous me démontriez que je ne sais pas de quoi je parle, mais j’en doute fortement. Mais puisque vous parlez de « biais », ce qui suggère que ma position sur l’immigration affecte le reste de ce que je dis, vous devriez me dire quelles affirmations je fais dans mon billet qui sont fausses. Si je souffre d’un biais qui ne me conduit pas à proférer des inexactitude, c’est un mal dont je m’accommoderais volontiers.
3) Je crois que vous m’avez mal compris. Je suis en désaccord avec les gens qui votent pour le FN, parce que je pense qu’ils ont tort, mais je ne crois absolument pas qu’ils soient moralement condamnables pour cette raison. Je ne cherche donc pas à présenter leurs conditions socio-économiques comme une excuse, puisque je pense qu’ils n’en ont nul besoin. Je ne faisais que remarquer et dénoncer le mépris de classe dont s’accompagne généralement la condamnation des électeurs du FN, qui me semble indubitable.
Rapidement:
1/ Votre argument sur le PCF est à la limite du tu quoque. Quant à savoir ce qui fait du FN un parti non républicain: le FN n’a aucun respect pour les institutions dont il souhaite s’emparer. Encore une fois, sa gestion municipale en est un excellent exemple en réduction: violations répétées de la légalité (le tribunal administratif de Montpellier croule sous les référés dirigés contre Béziers), intimidations à l’encontre des journalistes, suppressions massives de subventions à l’endroit d’associations vues comme non compatibles, etc. Vous me direz que d’autres maires le font, toutes couleurs politiques confondues. Il y a des connards partout. Certes, mais au FN c’est systémique, et systématique. Peu de partis ont des liens aussi étroits et profonds avec des groupes violents (bloc identitaire, gud, et autres joyeusetés). Frédéric Châtillon, quoi! Notez que ce n’est pas ici spécifiquement le contenu idéologique qui est en cause: ce qui sépare un Ciotti ou une Morano des idées de l’extrême droite est assez mince. Mais alors que le risque de voir Mme Le Pen utiliser abusivement l’article 16 de la Constitution ou les outils de l’état d’urgence (en vigueur au moins jusqu’au 15 juillet) n’est pas négligeable, il serait bien moindre si Ciotti ou Morano venaient à être élus à la présidence.
2/ Le biais dont je parle vient de ce qu’il y a un non sequitur dans votre argumentation. Certes le FN est une création de Mitterrand, qui le nie? Mais cela n’a aucune incidence sur son caractère dangereux ou l’absence d’icelui. On voit mal, alors, à quoi bon se concentrer sur cette partie de l’histoire du FN, si ce n’est pour nous resservir la soupe RPR qui, à la fois justifie les scores du FN par autre chose que par les idées que le FN défend (« c’est de la faute du PS ! ») et d’autre part banalise ces dernières jusqu’à les rendre fréquentables (politiquement, voire électoralement cf. Dreux, Rhône-Alpes, etc.). Vos propos sur l’immigration montrent assez que vous souscrivez à une partie de ces idées, ce qui est votre droit le plus strict. Mais on peut alors admettre que vous ne soyez pas un observateur objectif lorsque vous minimisez la dangerosité des idées du FN, et ce, de surcroît, auprès d’un lectorat américain largement de gauche (Leiter et consorts). – Quant aux platitudes malthusiennes, qui sont le fonds de commerce classique de la droite xénophobe, et que j’ai cru, à tort sans doute, reconnaître sous les formules rapides que vous avez utilisées au sujet de l’immigration, il est vrai que j’ai moi-même été vite en besogne en vous les attribuant. Toutes mes excuses (sincères!). — Cependant, faites attention au mot « intégration », qui est une création de communicant politique et qui n’a aucun contenu scientifique.
3/ Vous savez aussi bien que moi que l’électorat de Le Pen est bien plus divers qu’on ne l’imagine, ce qui explique d’ailleurs ses hauts scores. Donc j’aimerais bien qu’on arrête de m’accuser d’un mépris de classe qui est en réalité le vôtre : c’est vous qui semblez supposer que seuls des ouvriers ignorants et analphabètes (qu’il ne faudrait bien sûr pas mépriser) votent FN – les gens bien comme il faut votent Fillon voyons. En réalité, Le Pen cartonne chez les CSP+ (moins cette année à cause de Macron, sans doute). Je ne nie pas que Le Pen ait réussi à capter le vote ouvrier, bien sûr (en gros 50% des ouvriers votent FN, ce qui est énorme), mais il faudrait arrêter la victimisation permanente de l’électorat FN.
J’apprécie vos excuses et, puisque vous avez fait le premier pas, je vous présente à mon tour les miennes si mon ton était un peu limite. Je pense qu’il est important que les gens qui sont en désaccord sur ces questions puissent avoir un débat civilisé et je ne voudrais pas que mon blog devienne une chambre d’écho que seuls les gens qui sont d’accord avec moi lisent. Je vous réponds maintenant sur les points que vous avez soulevés.
1) Mon argument serait un tu quoque si je prétendais que le PCF ou les autres partis de gauche anti-libérale — notez que c’est à dessein que je n’emploie pas le qualificatif d’extrême-gauche, parce que je crois qu’elle est aussi inexacte dans le cas de quelqu’un comme Mélenchon que le qualificatif d’extrême-droite dans le cas de quelqu’un comme Marine Le Pen — avec lesquels le PS n’hésite pas à faire des alliances quand il en a la possibilité, sans que cela ne choque personne, n’étaient pas des partis républicains (peu importe ce que ça veut dire) ou présentaient un danger pour la démocratie. Mais à aucune moment n’ai-je dit ça et je n’en pense rien. Je dis au contraire que, si ces mouvements sont qualifiés de « républicains », alors le FN devrait l’être aussi. Vous dites que la gestion des municipalités FN prouvent que c’est un parti qui présente un danger unique pour les institutions démocratiques, mais vous n’en apportez pas la preuve. Je crois que le FN ne contrôle que 14 villes à l’heure actuelle. (Ce qui soit en passant, pour des raisons purement méthodologiques, rend difficile de tirer quelque conclusion que ce soit à moins que les différences avec les municipalités sous le contrôle d’autres partis soient vraiment énormes.) Quand même il serait vrai que la mairie de Béziers a violé la loi bien plus souvent que les autres mairies du même genre, ce que vous n’avez pas démontré, ça ne prouverait rien du tout. Non seulement il faudrait regarder l’ensemble des villes FN, mais il faudrait aussi contrôler la taille des villes en question, leur budget, l’expérience politique du maire et de son équipe, etc. Il faudrait également s’efforcer de contrôler le plus grand degré de vigilance de la part des médias, des associations, des autorités, etc. auquel ces majorités municipales sont soumises, puisqu’il est bien évident qu’il est beaucoup plus important que pour une municipalité du même type qui n’est pas sous le contrôle du FN, ce qui ne serait pas facile mais sans quoi toute conclusion n’aurait pas grande valeur. Même si vous parveniez à montrer cela, il faudrait également montrer que les violations de la loi en question sont de nature à faire du FN un danger pour la nature démocratique de nos institutions, ce qui ne va pas de soi. Par exemple, puisque vous parlez de Béziers, vous aurez du mal à me convaincre qu’un type comme Ménard, qui soit dit en passant n’est même pas au FN même s’il a son soutien, est un danger pour la démocratie… Quant à la violence, elle est beaucoup plus commune à l’extrême-gauche qu’à l’extrême-droite, comme vous pouvez vous en convaincre si vous consultez les rapports d’Europol sur le terrorisme (qui ne concernent pas que les actions meurtrières du type des massacres du 13 novembre 2015) publiés au cours des dernières années. Est-ce que vous espérez vraiment nous faire croire que l’extrême-droite utilise la violence plus souvent que l’extrême-gauche en France ? Quand est-ce que vous avez vu des militants d’extrême-droite utiliser des moyens violents pour empêcher une réunion publique d’un candidat de gauche récemment ? Or le même genre de liens que vous dénoncez entre le FN et des groupes violents d’extrême-droite, qui passent essentiellement par des individus plutôt que des liens officiels entre groupes, existent entre des partis de gauche comme EELV et des groupes violents d’extrême-gauche sans que vous les qualifiez de dangers pour la démocratie. C’est juste que, contrairement à ce qui se passe quand on débusque un mec d’extrême-droite violent au FN, les médias n’en font pas leur choux gras… Si vous en doutez je pourrais vous donner plusieurs exemples. Un mec comme Châtillon, pour lequel je précise que je n’ai aucune sympathie et même un dégoût certain, ne s’est pas livré à des actions violentes depuis des années. Je ne crois pas un seul instant que, si elle était élue, Marine Le Pen utiliserait l’article 16 de la Constitution pour s’accaparer les pleins pouvoirs. Cette idée relève selon moi du fantasme pur et simple. Vous savez aussi bien que moi, non seulement que cet article prévoit un garde-fou depuis la révision constitutionnelle de 2008, mais aussi et surtout que ce qu’un peut faire un chef d’État dépend non seulement du droit mais également de l’opinion publique, des personnels de l’administration et du pouvoir judiciaire, qui n’accepterait jamais d’obtempérer en cas d’abus de l’article 16.
2) Pour être tout à fait clair, comme je l’explique dans mon billet, je que le FN soit une création de Mitterrand. Je pense simplement que Mitterrand a favorisé sa progression, qui à mon avis se serait produite de toute façon pour des raisons structurelles, pour des raisons de basse politique politicienne, ce qui n’est pas la même chose. Je suis conscient que ce n’est peut-être pas ce que vous vouliez dire, mais comme c’est une affirmation que l’on entend souvent et qui à mon avis est fausse, je tenais quand même à répéter ma position à ce sujet. Par ailleurs, je n’ai à aucun moment expliqué les résultats électoraux du FN en disant que c’était la faute du PS, qui au contraire a selon moi beaucoup à voir avec les idées qu’il défend. (J’utilise le terme « expliqué » plutôt que « justifié », car je crois qu’il n’y a nul besoin de justifier les résultats du FN, qui est à mes yeux un parti légitime avec lequel je suis simplement en désaccord.) Je souscrit en effet à beaucoup de ces idées, même si je suis en désaccord profond avec d’autres. Par exemple, le FN défend la thèse que l’immigration est responsable d’une augmentation significative de l’insécurité, ce qui provoque régulièrement des haut-le-coeur et des protestations indignées de la part de la gauche et du centre. Il se trouve que non seulement je pense que c’est vrai, mais que de surcroît j’affirme que c’est absolument indubitable. Comme je l’ai dit auparavant, la question de l’immigration est complexe et il y a beaucoup d’aspects — empiriques ou normatifs — sur lesquels des gens raisonnables peuvent être en désaccord, mais ce que je viens de dire n’en fait pas partie. Je n’ai pas le temps de prouver cette affirmation maintenant, car je veux écrire un billet détaillé là-dessus et ça prendra du temps, mais je vous garantis que je l’écrirai quand j’aurais le temps et qu’il ne laissera aucun doute à ce sujet. Bien sûr, même si on admet le lien entre immigration et insécurité, on peut être en désaccord sur les leçons à en tirer, mais la gauche et les médias prétendent régulièrement que l’idée même d’affirmer ce lien est inacceptable et suffit à disqualifier moralement le FN. Je n’en crois pas un mot et, si c’est pour ce genre de raisons que vous pensez que je minimise le danger que pose le FN, je pense que vous avez clairement tort. Si c’est pour une autre raison, vous devriez dire en quoi je minimise ce danger exactement, mais quoi qu’il en soit je ne vois pas en quoi le billet que Brian Leiter a partagé sur son blog est trompeur. À part une phrase dans laquelle je note que le FN n’est pas un parti fasciste et que c’est un mythe inventé par le PS pour baiser la droite, ce que personne ayant travaillé sur cette question ne conteste, le billet en question ne portait que sur la question de savoir si Le Pen avait une chance de remporter le second tour. Ce n’est pas non plus comme si son lectorat, qui est tout de même pour l’essentiel composé de gens éduqués qui ne sont a priori pas vraiment bien disposé à l’égard du FN, allait conclure que ce n’était pas un parti dangereux parce que j’ai fait ce rappel à vrai dire plutôt limité mais parfaitement exact.
3) Vous avez tort sur la sociologie de l’électorat de Le Pen, car non seulement il repose bien plus sur les CSP- que vous ne semblez le penser, mais de plus c’est devenu beaucoup plus vrai en 2017 que ça ne l’était en 2012. Ainsi, si vous comparez l’étude d’Ipsos sur la sociologie des électorats de 2017 avec celle de 2012, vous constaterez par exemple qu’alors que son score en 2012 chez les personnes ayant un revenu supérieur à 3000€/mois était inférieur à son score d’ensemble d’environ 16%, son score chez ces mêmes personnes en 2017 était inférieur à son score d’ensemble de plus de 31%. Son score chez les gens ayant un revenu inférieur à 1250€/mois, en revanche, était supérieur à son score d’ensemble de plus de 46%… Quand on regarde de près les études sur la sociologie de l’électorat FN, on constate qu’il ne fait aucun doute qu’il existe une forte relation entre le fait d’appartenir aux catégories socioprofessionnelles défavorisées et le fait de voter FN. Bien sûr, il n’y a pas que ces gens-là qui votent FN et tous ne votent pas FN, mais je n’ai jamais dit le contraire. J’ai dit que la plupart des électeurs du FN appartenaient à ces catégories, ce qui est indubitable. Je n’ai jamais dit non plus que seuls des gens ayant un revenu modeste et sans éducation pourraient voter FN, pas davantage que j’ai présenter un tel vote comme une tare morale. Je pense que ces gens ont tort, mais il n’est pas difficile de comprendre pourquoi un si grand nombre d’entre eux font ce choix. Je crois qu’il y a tout un tas de choses qui sont vraies et que seul le FN dit, comme le rôle de l’immigration dans l’augmentation de l’insécurité, ce qui selon moi fait partie des choses qui expliquent pourquoi les classes populaires en particulier ont tendance à se tourner en nombre croissant vers le FN. D’autre part, contrairement à ce que vous suggérez, je ne vous ai jamais accusé de mépris de classe. Je ne vous connais pas et je n’ai aucune idée de la façon dont vous parlez des gens qui votent FN. Je fais explicitement référence dans mon billet aux gens qui leur chient dessus à longueur de journées en se foutant de leur gueule parce qu’ils ne parlent pas toujours bien français et qu’ils aiment le foot. Je suppose que vous et moi avons beaucoup de lectures en commun, avons beaucoup d’amis appartenant à des milieux similaires, etc. Vous n’allez tout de même pas me faire croire que vous ne voyez pas tout le temps ce genre de mépris de classe vis-à-vis des électeurs FN venant des milieux défavorisés. On se fout quand même plus souvent de la gueule des prolos qui votent FN que des chirurgien-dentistes qui font la même chose… Si vous ne vous livrez pas à ce genre de choses, ce que je crois volontiers, j’en suis ravi, mais n’essayez pas de retourner l’accusation de mépris de classe contre moi, alors que je n’ai jamais dit qu’appartenir à un groupe socio-économique défavorisé faisait automatiquement de vous un électeur du FN ni même que le fait de voter FN était une faute morale.
Cher Philippe,
Je vous remercie pour votre réponse. Je pense, comme Nicolas plus haut, que nos désaccords sont trop profonds pour que cette conversation puisse être utilement continuée. En dépit de cet ananké stenai, je vous remercie d’avoir pris le temps de me répondre.
Quelques points de détail (sans jeu de mots déplacé):
1/ Votre première phrase sur le PCF est incomplète, de sorte que je ne saisis pas l’argument. De toute manière je ne vous ai pas accusé de tu quoque, j’ai dit que vous étiez à la limite du tu quoque, ce qui est différent.
2/ Quels sont les gardes fous introduits par la révision de 2008 à l’article 16? (s’il y en a c’est embêtant, j’enseigne le droit constitutionnel, et ça m’avait échappé). Des avis du Conseil constitutionnel, l’un facultatif au bout de 30 jours, les autres, de plein droit, au bout de 60 jours et après, sans aucune valeur contraignante? Youhou! La seule limite est l’article 68, mais vous savez aussi bien que moi qu’il est difficile à mettre en oeuvre (conditions de recevabilité des résolutions librement appréciées par le bureau de l’assemblée, majorité qualifiée à toutes les étapes du processus). Pour ma part, je considère que l’utilisation de l’article 16 n’est pas un pur fantasme. Marine Le Pen a déjà affirmé que Schengen constituait une menace pour l’intégrité du territoire — le choix des mots n’étant pas innocent ici.
1) Oups, j’avais complètement oublié d’écrire la fin de ma phrase, je viens de l’ajouter. Ce que je disais c’est que j’aurais commis un tu quoque si j’avais dit que la présence au gouvernement du PCF ou la victoire d’un candidat comme Mélenchon représenterait un danger pour la démocratie, mais je n’ai rien fait de la sorte et par conséquent je n’ai pas commis de tu quoque. D’autre part, j’avais bien noté que vous aviez seulement dit que j’étais « à la limite » du tu quoque, mais je ne sais pas bien ce que ça veut dire. Soit j’ai commis un tu quoque, soit je n’en ai pas commis. Or, à l’évidence, je n’ai pas commis de tu quoque.
2) J’espère tout de même que vous ne dites pas à vos élèves que tout ce qui est possible en théorie d’après le droit est possible en pratique, ni d’ailleurs que rien de ce qui n’est pas possible en théorie d’après le droit n’est possible en pratique dans quelques circonstances que ce soit. Vous croyez vraiment que, si Marine Le Pen était élue, invoquait l’article 16 pour une raison frivole et que le Conseil Constitutionnel déclarait que les conditions d’application de cet article n’étaient pas réunies, elle serait politiquement en mesure de maintenir l’état d’exception ? Le droit n’a un effet réel que si l’opinion publique, l’administration, etc. ne reconnaissent un minimum de légitimité à son application, de la même façon qu’il ne protège pas de grand chose du moment que celui qui le viole a suffisamment de soutien dans la population, les forces armées, etc. Le référendum de 1962 était inconstitutionnel, mais ça n’a pas empêché De Gaulle de passer outre, parce qu’il avait le soutien massif de la population. Je ne vois pas comment Marine Le Pen pourrait obtenir le soutien massif de la population pour l’utilisation de l’article 16 sans raison valable et je vois encore moins comment, quand même cet article serait utilisé, elle aurait le soutien nécessaire pour l’utiliser d’une manière qui mettrait en danger la nature démocratique de nos institutions. De toute façon, je ne crois pas un seul instant qu’une telle pensée lui ait jamais traversé l’esprit, en tout cas je vois beaucoup de raisons de penser que c’est une démocrate et je n’ai jamais vu aucun élément suggérant le contraire. La phrase que vous citez ne peut convaincre que quelqu’un qui est déjà convaincu. Mais vous avez sans doute raison que, au moins sur ce point, continuer cette discussion ne pourrait sans doute pas rapprocher nos points de vue.
Cela étant dit, je vous remercie également d’avoir pris le temps de débattre avec moi, ce qui n’est pas inutile même si, comme on pouvait s’y attendre, nous ne sommes pas tombés d’accord.
Un post-scriptum sur l’article 16, puisque vous m’y invitez, et puis je vous laisse le dernier mot, promis.
J’enseigne à mes étudiants le distinction du fait et du droit; la différence entre ce qu’on a le droit de faire et ce que l’on peut matériellement faire; entre modalité déontique et modalité aléthique. Je leur enseigne ainsi que le président de la République n’a pas le droit de révoquer son Premier ministre, mais qu’en raison des équilibres politiques créés par la Constitution, il le peut bien souvent; à l’inverse, je leur enseigne que le président de la République a toujours le droit de dissoudre l’Assemblée nationale (sous réserve d’une dissolution précédente), mais qu’il n’en a que rarement la possibilité politique. Je leur enseigne aussi que la coutume constitutionnelle ou ce que l’on appelle depuis A.V. Dicey les conventions de la Constitution permettent souvent à des situations de fait de devenir de droit. Etc. etc.
Vous m’avez parlé de garde-fous mis en place par la révision de 2008 (c’est-à-dire par une opération juridique visant à modifier un texte juridique): je pensais donc que vous m’indiquiez qu’un certain nombre de règles juridiques avaient été introduites par la révision de 2008 venant limiter le droit de mettre en oeuvre (et de poursuivre la mise en oeuvre de) l’article 16. Je pensais donc que vous vous placiez sur le terrain du droit, et je vous ai répondu sur ce terrain, en notant que la seule limite juridique au pouvoir du PR de mettre en oeuvre l’article 16 est la procédure de destitution.
Vous me répondez sur le terrain du fait: la marge de manoeuvre effective du PR. Très bien, mais de ce point de vue la révision de 2008 n’a absolument rien changé. Le Conseil constitutionnel n’intervient, dans la meilleure des hypothèses, qu’au bout d’un mois, et, en un mois, il peut s’en passer des choses. Surtout, je ne pense pas que son avis jouisse d’un poids tel dans l’opinion qu’il soit de nature à la modifier en profondeur. Si l’opinion publique est majoritairement en faveur de l’utilisation de l’article 16, ce ne sont pas deux avis de vieux croûtons décatis qui vont la convaincre. Du reste, le risque n’est pas tant une adhésion massive qu’une indifférence quasi-généralisée, comme le montre l’état de l’opinion sur l’état d’urgence, alors que le Conseil d’Etat a, quelque peu jésuitement, plusieurs fois rappelé au gouvernement que l’état d’urgence ne pouvait perdurer de manière permanente.
En tout état de cause, la révision de 2008 n’a pas changé grand chose: la limite, factuelle, et non juridique, de l’opinion publique (ou encore de la résistance possible des fonctionnaires et des militaires, etc;) a toujours existé.
Quant à la probabilité effective de voir Mme Le Pen recourir à l’article 16, elle ne me semble pas si faible. La doctrine constitutionnaliste avait déjà discuté, à la suite des attentats du 13 novembre 2015 de la possibilité pour M. Hollande de mettre en oeuvre l’article 16. Si un attentat ou même un projet déjoué d’attentat venait à viser, par exemple, le siège d’une institution publique, je vois mal ce qui empêcherait Mme Le Pen de recourir à l’article 16. Celle-ci a d’ores et déjà indiqué que les outils de l’état d’urgence étaient trop faibles (« bidon », « de pacotille », pour reprendre ses termes exacts) pour pouvoir résorber la menace terroriste. On se demande à quoi d’autre elle pourrait recourir si elle était élue…
Comme je suis d’accord avec vous sur un point: le caractère extrêmement improbable de l’élection de Mme Le Pen, nous n’en saurons sans doute jamais rien. A la réflexion, cela vaut peut-être mieux ainsi.
Je vous concède ce point, ainsi que l’essentiel du raisonnement par lequel vous arrivez à cette conclusion, car je crois que vous avez raison et que mon argument véritable porte sur les limites de fait et non pas tellement l’ajout à l’article 16 à la suite de la révision constitutionnelle de 2008 qui, comme vous l’expliquez, ne change pas grand chose. Je veux juste revenir sur un point de détail, mais qui a son importance. Vous dites que le danger n’est pas tant une adhésion massive mais une indifférence quasi-généralisée comme avec l’état d’urgence et, là encore, je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais ça dépend évidemment de la façon dont l’article 16 est utilisé, comme je l’ai noté dans mon commentaire précédent. La France est hélas un pays fort peu libéral, donc le gouvernement peut faire beaucoup de choses qui violent certaines libertés individuelles sans que ça n’émeuve beaucoup la plupart des gens, mais il il y a quand même des limites. Il me paraît évident que, si Le Pen utilisait l’article 16 d’une façon qui mette véritablement en danger la démocratie (ce qui encore une fois ne lui a selon moi jamais traversé l’esprit), les gens ne seraient pas indifférents du tout . C’est peut-être malheureux, mais les gens se contrefoutent que le gouvernement puisse faire des perquisitions chez des gens soupçonnés de terrorisme plus facilement. En revanche, s’il se mettait à jeter en prison des opposants politiques ou des journalistes, ça serait une autre histoire…
Il me semble que vous avez une interprétation tout à fait tendancieuse des propos de Marine Le Pen sur cette question. Par exemple, quand elle a qualifié l’état d’urgence de « bidon », c’était pour se plaindre que l’État ne dissolve pas les groupes violents d’extrême-gauche. Cela ne nécessite absolument pas que l’on recourt à l’article 16 ni même à l’état d’urgence d’ailleurs. Si quelqu’un est déjà convaincu que Le Pen pourrait envisager de recourir à l’article 16 pour menacer l’ordre démocratique, il verra peut-être dans ces propos une confirmation, mais uniquement s’il est déjà convaincu. De la même façon, quand elle a dit que l’état d’urgence était « de pacotille », son propos n’était absolument pas que les instruments que fournis au gouvernement l’état d’urgence sont insuffisants. Elle disait simplement que, selon elle, pour vraiment lutter contre le terrorisme, il faudrait reprendre les contrôles aux frontières et s’attaquer vraiment à l’idéologie islamiste sur le territoire en fermant les mosquées radicales, expulsant les personnes ayant fait l’objet d’une « fiche S », etc. Rien ne tout cela ne permet de penser qu’elle recourrait à l’article 16, en tout cas certainement pas pour mettre à bas les institutions démocratiques de notre pays. Honnêtement, quand les gens disent qu’une victoire de Le Pen serait une menace pour la démocratie, ça me fait toujours penser aux mecs de droite qui croyaient vraiment en 1981 que les chars de l’Armée rouge défileraient bientôt sur les Champs-Élysées si Mitterrand gagnait…
Elle n’a aucune chance cette fois, mais pour ce qui est de l’avenir, je ne serait pas si catégorique… Pour être tout à fait clair, je ne pense pas qu’elle puisse gagner en 2022 non plus, mais après ça je ne jure plus de rien.
Bonjour Philippe Lemoine,
merci pour cette longue et intéressante contribution, qui a donné lieu à des échanges tout aussi intéressants, sachant qu’il n’y a pas que le fond des idées – vraies, fausses, associées ou non à telles autres idées, etc- qui importe, mais aussi tout le contexte et tous les présupposés —-y compris la psychologie des communicants, leurs préjugés, leurs projections sur autrui, leurs volontés respectives face à chaque idée, leurs valeurs morales face à chaque idée, etc— qui expliquent l’existence et l’expression de ces idées, non-seulement dans un débat donné, mais aussi au-delà, dans la société toute entière.
Sur la forme, je regrette que vous vous autorisiez un langage parfois grossier, non pas tant parce qu’il me choque -je ne suis pas une fleur bleue, ni un père-la-morale ni un bigot-, que parce que des gens peuvent condamner la grossièreté de certains propos pour tenter de disqualifier le fond de ce qui est exprimé, comme par exemple, suite au commentaire de Marie-Claude Lemoine du 30/04/2017 à 07h58 sous l’article du même jour sur le journal Le Monde en ligne ( référence : https://lc.cx/wbdK ) , où MCL indique le lien vers votre « billet », et où un autre abonné affichant le pseudonyme « Totoro » lui assène, à la fin de son commentaire : » (…) Votre lien est grossier et insultant, comme les électeurs du FN ». Certes, ce genre de remarque ne vaut pas un argument sur le fond, mais tant de gens se positionnent superficiellement, en fonction des apparences, pour (se) donner une bonne image, que prêter le flan à ce type de critique peut causer un préjudice au débat d’idées et à la recherche de « la vérité ». S’agissant d’une contribution aussi intéressante que la vôtre, c’est vraiment dommage qu’elle soit ainsi exposée à de telles attaques supposément disqualifiantes. Il importe, si on veut communiquer et convaincre, de s’adresser aussi aux personnes superficielles, qui condamnent et écartent toute une analyse en voyant quelques mots grossiers.
Je suis d’accord avec vous au sujet de l’immigration et de l’insécurité : à l’évidence, cette dernière est en partie corrélée à une certaine immigration qui n’est pas assez souvent suivie d’une intégration socio-culturelle satisfaisante, et qui va chercher dans les violences et injustices de la colonisation, ainsi que dans un communautarisme sectaire, des « raisons » -injustifiées- de s’opposer à la France et au peuple qui l’habitait déjà avant qu’elle ne le rejoigne sur sa terre.
J’ouvre une petite parenthèse pour préciser, à l’attention de ceux qui lisent ce qui n’est pas écrit, et qui sont portés sur la chasse aux sorcières, que la corrélation susmentionnée ne signifie nullement que tous les individus provenant de l’immigration susvisée soient des fauteurs de trouble et d’insécurité : je ne parle que de certains individus au sein d’un groupe plus vaste. Parenthèse refermée.
Toutefois, même si le sujet de l’insécurité préoccupe bon nombre de Français et continuera sans aucun doute à le faire, la question restera politiquement marginale, car elle touche essentiellement des Français qui ne sont pas partie aux pouvoirs financier, politique et médiatique, et elle épargne beaucoup d’autres Français, qui estiment tirer leur épingle du jeu de la mondialisation et de la fracture socio-territoriale de la France.
Il en va de même du terrorisme : si terrible soit-il, il devrait en principe rester politiquement marginal, dans la quête des politiciens-candidats pour obtenir un soutien populaire, un soutien électoral, des opinions favorables.
Du reste, insécurité et terrorisme ne sont pas des sujets très clivants, tout au moins tant qu’on n’aborde pas leurs liens avec une certaine immigration -si on les aborde, on rencontre alors rapidement tabous, procès d’intention, accusations faciles, calomnies éhontées, etc-. Mais quoi qu’il en soit, ceux qui dirigent de fait le pays ne se sentent apparemment pas personnellement, directement concernés. Et l’existence de sujets polémiques n’entraîne pas en soi de vrais débats, ni la mise en place d’une politique -une politique adéquate, tant qu’à faire !-, quand seule une minorité de la population est touchée par les difficultés, qu’elle est éloignée du pouvoir, et que des tabous couronnent le tout.
Je vous indique à présent sous quel angle l’immigration posera -de plus en plus- vraiment un grand problème, selon moi, pour la France. Il ne s’agit pas de sécurité ni de terrorisme, ou tout au moins pas directement mais en tant que résultante d’un autre problème, préalable, et bien plus important : le clivage identitaire voire territorial de la France, accentué par une lecture différente, par diverses partie de la populations, de l’Histoire, et par une relation différente, selon le groupe auquel on appartient, à certaines valeurs et à la hiérarchie des valeurs (certains fanatiques -qui communiquent parfois très bien, y compris avec hypocrisie- veulent nous imposer des régressions sociales et des règles juridiques arbitraires dont la source n’est pas humano-démocratique, mais prétendument divine…).
C’est triste de devoir constater cela, car en France, nous étions parvenus à un consensus qui rendait la vie ensemble possible et agréable, autour des valeurs de la (sociale-)démocratie libérale (« libérale » au sens politique -mais pas nécessairement économique- : la République islamique d’Iran et la démocratie populaire de Corée du Nord ne sont pas des démocraties malgré leurs appellations, car elles ne sont pas « libérales »), des valeurs républicaines -dont la fraternité citoyenne-, et de la laïcité. Tous les citoyens reconnaissaient une certaine hiérarchie des valeurs et des lois, qui les rassemblait au-delà de leurs divers groupes d’appartenance religieux, idéologique, politique, ethnique, etc…
C’en est presque fini à présent, à cause de problèmes socio-économiques et d’intégration, à cause de discours d’autocritique et d’autoculpabilisation, à cause de discours de victimisation, à cause de valeurs étrangères et opposées aux nôtres et réputées sacrées et réputées supérieures à toutes autres valeurs…
Pour contenir ces problèmes et leur permettre de se résorber le plus possible, il convient de limiter au maximum l’immigration au sein de laquelle une proportion trop importante de personnes se trouvent prises au coeur du tourbillon de ces problèmes -et entrainent d’autres personnes dans ce tourbillon-. Pratiquons une immigration choisie en nombre et en origine culturelle (il n’est aucunement question ici de discrimination ethnique, que cela soit bien clair !) et en compétences professionnelles. Examinons sans y passer trop de temps les dossiers des demandeurs d’asile politique, et renvoyons ceux qui n’ont pas été retenus comme étant des réfugiés politiques, au lieu de les laisser très majoritairement sur le sol de la France.
Ne contribuons pas à la croissance d’une communauté au sein de laquelle un communautarisme identitaire, accompagné parfois de références religieuses mêlées de visées politiques, recrute de plus en plus de personnes. En restant très nettement minoritaires, les membres d’une telle communauté finiront à terme par s’intégrer, les générations passant, par leurs contacts positifs et « négatifs » avec la société française environnante, surtout si cette dernière s’affirme fièrement, et fait connaître et défend ardemment ses valeurs.
Ne prenons pas le risque de faire croître le nombre de personnes en difficultés, au repères et aux valeurs étrangers, communautaristes, politico-religieux, sinon nous allons sur le long terme à la catastrophe. Et cela vaut tant pour la France que pour l’Europe occidentale dans son ensemble. Les personnes appartenant aux mêmes groupes et qui s’intègrent sont certes nombreuses -et c’est heureux-, mais cette intégration ne concerne pas certains de leurs « frères » et « soeurs », aussi convient-il d’être vigilants, et de s’organiser tant qu’il en est encore temps.
Je commente pour finir votre dernier commentaire, concernant Marine Le Pen, que je commente par citer : « Elle n’a aucune chance cette fois, mais pour ce qui est de l’avenir, je ne serait pas si catégorique… Pour être tout à fait clair, je ne pense pas qu’elle puisse gagner en 2022 non plus, mais après ça je ne jure plus de rien. » (fin de citation).
Vous n’ignorez pas que les démographes (en lien avec des géographes, climatologues, agronomes, économistes, etc) estiment, même s’ils ne le disent pas de façon claire et abrupte, que l’Europe occidentale va être submergée, au cours des prochaines décennies, par une immigration vraiment massive de personnes dont la culture est éloignée de la nôtre, et qui seront souvent de religion musulmane. Ceci dans une Europe aux Etats fragilisés, et à la population stagnante et vieillissante, et où l’Islam politique monte en puissance, en étant très largement financé par des puissances étrangères, organisé, militant, lobbyiste, manipulateur… Sur cette immigration massive future, voici quelques liens vers des articles éloquents : https://lc.cx/wbmp ET https://lc.cx/wbmd ET https://lc.cx/wbmP ET https://lc.cx/wbme ET https://lc.cx/wbmB
Voici enfin un article en anglais, qui avait créé une polémique car il abordait la question de l’immigration musulmane, et que je vous copie-colle ici intégralement, car on ne le trouve plus sur Internet :
North African migrants and the future of Europe
By Donald Macleod | Published: July 8, 2015
The flow of migrants from North Africa into southern Europe is no new thing. It has been going on for decades, but now it’s become the stuff of tragedy as thousands cram into tiny vessels scarcely fit for a mill-pond and head off across two hundred miles of treacherous sea.
Europe is suddenly caught in a dilemma. Will it rage against illegal immigrants, or weep over the loss of thousands of lives? But behind the dilemma there is also guilt. For centuries we Europeans shamelessly took advantage of freedom of movement to turn up unbidden and unwelcome on other shores, killing native inhabitants, destroying their culture and plundering their treasures.
Today, people of European origin dominate Canada, the United States, Brazil, Argentina, New Zealand and Australia. From the ‘Mayflower’ to the ‘Metagama’, migration, driven by poverty, has been a key factor in our history. Deep-down, then, we know the heart of a migrant and the curious paradox of a mind that is filled with ‘cianalas’ and yet knows it could never forsake the comforts of central heating and air-conditioning for the romance of a peat-fire.
Europe’s movers and shakers are now calling for a concerted response to the migrant crisis, but this has not been the only note. Influential voices have also suggested that the migrants are part of a coherent plan to increase the Muslim presence in Europe, and this is even being linked to predictions that within twenty-five years Britain will be a predominantly Muslim country. Yet, while for all the years of the Cold War we trembled at the spectre of Communism and the thought of ‘Reds under the bed’, no-one seems to be taking the Islamic threat seriously.
Is such complacency wise? There can certainly be no doubt that the thousands of North Africans now pouring into Europe are Muslims. Nor can there be any doubt that after centuries of relative passivity Islam, like Scottish separatism, is now all fired-up with new energy and zeal. Quite where the fuel-injection has come from is not clear, though it probably owes something to fabulous oil-based Arab wealth, the emergence of a new generation of fanatical religious leaders and, above all, the creation of the state of Israel. But whatever the reasons, the millions of North Africans who will enter Europe in the next twenty-five years are not likely to arrive full of gratitude. They will bring with them Islam’s innate sense of superiority and its contempt for the infidel.
Equally clearly, our freedoms will never survive under a dominant Islam. No Muslim country on earth grants civil rights or liberty of speech to its citizens. In Iraq, under Saddam Hussein, even members of his own party lived in daily fear of summary execution. In Saudi Arabia, no woman may drive a car. And in the countries of the so-called ‘Arab Spring’, the spring quickly turned to winter. The toppling of Mubarak brought no freedom to Egypt and the toppling of Gadaffi brought only chaos to Libya. Islam and the ballot-box, Ayatollahs and civil liberties, can never live together.
But is the influx of Libyan refugees part of a conspiracy? It’s certainly hard to believe that it’s a pan-Islamic one. The Muslim community is too deeply divided for that, and even Islamic State is scarcely in a position to orchestrate the movement of thousands of Libyans. It is, however, perfectly capable of placing among the migrants hundreds of its own radicalised Muslims; and it is beyond belief that it hasn’t done so.
All minorities prefer to keep a low profile and avoid trouble. Generations of British Muslims have done exactly that, many have made an invaluable contribution to British society, and many are perfectly prepared to listen quietly while Christians ‘witness’ to them. But when minorities become majorities, things change, as German Jews discovered in the 1930s. Once the Nazis achieved ascendancy, friendly German neighbours suddenly became informants for the Gestapo; and in the event of Islamic dominance in Britain our friendly Muslim shopkeepers will have little option but to march behind the radicals.
Have we any protection? Tighter immigration controls bring their own complications. We cannot close our doors on asylum-seekers simply because they’re Muslims, nor can we set up border-controls which specifically target Muslims. That would simply raise the level of Islamic paranoia, and they already have countless spokesmen prepared to ‘explain’ that if Muslims behead a soldier it’s no more than a natural response to the way they were treated in school.
But have we no intellectual, ideological or spiritual barriers to raise against Islam? The prevailing secular humanism is too preoccupied with hating Christianity to notice the threat posed by Islam; and anyway, when it comes to the bit, a negative (‘There is no God’) can never have the motivational force of a fanatical positive like, ‘Allah is God’.
What of Christianity? Can it save us (and our freedoms) from Islam? Yes, but only if it is robustly biblical, and robustly confident that Jesus is the one and only Lord.
But Christianity must also address the fact that in many parts of Britain it is invisible: simply not there. Even in many parts of the Highlands, the church has now withdrawn, leaving a religious vacuum, and a generation that is spiritually spineless.
The churches speak much of mission, but usually only as part of a plea to modernise. But more, surely, is needed: a legion of formally ordained Evangelists committed to the many Scottish communities where Christ is unheard of, and where a passionate Islam would meet with no counter-faith.
But then, Islam has never needed to win the intellectual battle, and in the eyes of its radicals it still doesn’t need to. Bombs and beheadings will suffice; or, in the worst possible scenario, an Islamised France, armed to the hilt and ready to pounce.
Apocalyptic delusions of an aged brain? Possibly, but consider Augustine, the greatest Christian mind the world has ever seen. Born in Algeria, he became Bishop of Hippo (also in Algeria) in 396. There, if anywhere, Christianity seemed secure for all time coming. But by 622 Mohammed had established himself in Medina, and a hundred years later Christianity was obliterated in Algeria. It was no victory of the mind. Augustine’s diocese had merely been overwhelmed by a Muslim army.
History need not repeat itself. But let’s not sleep-walk our way into the loss of all our freedoms.
This article first appeared in the West Highland Free Press, 22 May 2015. It was my final Free Press column.
Pour finir, une remarque sur cet article :
L’approche chrétienne de MacLeod est forcément identitaire. Ce n’est pas une critique -le Christianisme étant parfaitement légitime en Europe tant qu’il n’est pas envahissant et qu’il accepte pleinement la démocratie-, mais on peut juste souligner que ce communautarisme (car même majoritaire, c’en est un) divise les citoyens, et ne favorise pas la création d’un terrain de dialogue citoyen, contrairement à la laïcité française, valable pour tous les religieux de toutes religions, et pour les athées et les agnostiques.
Merci Philippe Lemoine pour votre travail.
Toltèque.
PS : j’avais annoncé ceci dans mon précédent commentaire :
Je commente pour finir votre dernier commentaire, concernant Marine Le Pen, que je commente par citer : “Elle n’a aucune chance cette fois, mais pour ce qui est de l’avenir, je ne serait pas si catégorique… Pour être tout à fait clair, je ne pense pas qu’elle puisse gagner en 2022 non plus, mais après ça je ne jure plus de rien.” (fin de citation).
Or je ne suis pas allé au bout de mon propos. Je termine ici. Vu l’immigration massive prévisible, et vu le fait que les immigrés (ET non réfugiés politiques) restent très majoritairement sur le sol français même quand ils sont des immigrés illégaux, et qu’ils finissent très souvent par avoir des papiers régularisant leur séjour, puis par obtenir, au bout de plusieurs années, une naturalisation, cela fait autant d’électeurs en plus. Or dans leur immense majorité, ce sont des gens qui voteront contre le Front national -ou contre un autre parti qui voudrait vraiment défendre la France-, notamment à cause du lavage de cerveau concernant le FN, et qui est asséné à tout le monde, toujours et partout en France : nombre de gens, a fortiori des immigrés d’origine africaine, pensent que Marine Le Pen est raciste, et que son programme est raciste, et tous les démentis (et preuves, concernant le programme ! ) qu’on peut leur apporter semble ne pas avoir grand effet…
Donc peut-être que, sous l’effet de la démographie, le FN ne passera jamais, ni là en 2017, ni en 2022, ni en 2027, ni JAMAIS ! ! Quelle sera alors la destinée de notre pays, de notre culture, de nos valeurs, de notre mode de vie, de nos systèmes politiques et juridiques ? Quelles seront, en France, les relations entre les gens des divers groupes religieux/ethniques, vu que déjà à présent, tant de monde s’attache à favoriser le multiculturalisme, le communautarisme, et à piétiner la citoyenneté et la laïcité comme s’il s’agissait de crimes ? Quelles seront les sources du droit qui régiront les relations entre les individus, et entre les communautés ? Pensons à tout cela dès maintenant !
Toltèque
Cher Toltèque,
Merci pour votre commentaire. Je n’ai pas le temps de répondre en détail, donc je vais juste répondre brièvement sur deux points.
D’abord, sur la grossièreté que je m’autorisais dans la version initiale de cet article, je crois que vous avez raison. Comme je l’explique dans la note que je viens d’ajouter, plusieurs personnes m’ont fait la même remarque, ce qui m’a convaincu de modifier l’article pour retirer les passages les plus grossiers.
Ensuite, même si les flux migratoires sont importants et modifieront à terme en profondeur les équilibres démographiques en Europe si les tendances restent les mêmes, je ne pense pas qu’on puisse en déduire que le FN ne pourra jamais remporter les élections. D’abord, sur le « grand remplacement », il faut je crois éviter deux écueils.
L’un est l’idée que c’est un pur fantasme de l’extrême-droite qui n’a aucun fondement dans la réalité. C’est ce que répètent à longueur de temps les médias, mais n’importe qui ayant des notions d’arithmétique et une connaissance approximative des tendances démographiques actuelles peut voir que c’est faux.
L’autre écueil serait de penser que la population d’origine autochtone deviendra minoritaire dans quelques années. C’est une idée qui est très populaire à droite, mais les projections démographiques sur les données dont nous disposons montrent que c’est faux et que ça prendra vraisemblablement beaucoup plus de temps. Je compte revenir sur ces questions en détails quand j’aurai du temps.
Il faut aussi noter que, même si les données dont nous disposons en France laissent à désirer, tout indique que les descendants d’immigrés récents votent à des taux nettement inférieurs aux individus d’origine autochtone. C’est notamment dû à leurs caractéristiques socio-économiques, mais probablement pas seulement, même si c’est difficile à dire à cause de la pauvreté des données.
Bref, si je ne crois pas que le FN puisse gagner cette année, ni même probablement en 2022, ça n’a pas grand chose à voir à la présence de personnes d’origine immigrée. Ce n’est pas qu’elle n’a aucun effet électoral, mais je crois que celui-ci est encore relativement faible et qu’il va le rester encore un moment. Aux États-Unis, les Démocrates étaient convaincus qu’ils ne pouvaient plus perdre pour des raisons similaires, mais ils s’en sont mordus les doigts en novembre dernier…
Je crois simplement que l’état de l’opinion publique est tel qu’une victoire du FN est très improbable dans un futur immédiat, mais en revanche après quelques années, je crois qu’il est illusoire de prétendre qu’on peut prévoir ce qui pourrait arriver. Ça dépendra aussi bien évidemment de ce que les gouvernements successifs feront ou ne feront pas dans les années à venir.