Pourquoi le COVID-19 est là pour de bon, et pourquoi vous ne devriez pas vous en inquiéter

[Cet article est une traduction d’un billet de blog que j’ai publié en anglais sur le site de CSPI le 17 août. La traduction a été réalisée conjointement par Nouph et Fix Pire et je n’ai fait que retoucher le texte ici ou là. Je les remercie pour leur travail et il va de soi que toute erreur que pourrait comporter cet article serait uniquement de mon fait. J’ai également profité de la traduction de cet article pour mettre à jour le graphique qui montre l’effet de la vaccination en Angleterre avec les données les plus récentes.]

Alors que de nombreux pays traversent une nouvelle vague d’infections, y compris certains où la grande majorité de la population a été vaccinée, beaucoup commencent à désespérer de voir un jour la fin de la pandémie. Dans ce billet, je vais arguer qu’au contraire, non seulement la pandémie est déjà en voie de disparition, mais que le virus sera relativement inoffensif après être devenu endémique. Cela ne se produira pas parce que le SARS-CoV-2 deviendra intrinsèquement moins dangereux, bien que cela pourrait arriver, mais plutôt parce que ce qui rendait le virus si dangereux était que personne n’était immunisé contre lui, donc une fois qu’il sera devenu endémique, il infectera moins de gens et même ceux qui seront infectés seront beaucoup moins à risque. En outre j’expliquerai que, malgré l’inquiétude généralisée concernant l’émergence de nouveaux variants et le danger d’évasion immunitaire, le fait que le SARS-CoV-2 mute n’empêchera pas ce résultat, à cause de la manière dont fonctionne l’immunité. Enfin, j’arguerai que bien que certaines personnes appellent à poursuivre l’éradication du SARS-CoV-2 (comme nous l’avons fait pour la variole), il est quasiment certain que nous ne pourrions pas l’éradiquer même si nous le voulions et que même si nous le pouvions, cela n’en vaudrait pas la peine.

SARS-CoV-2 va devenir pratiquement inoffensif

Vous avez peut-être entendu dire qu’en évoluant, les virus deviennent nécessairement moins mortels parce qu’il n’est pas logique, d’un point de vue évolutionnaire, qu’ils tuent les hôtes dont ils dépendent pour leur survie et leur reproduction, mais c’est un mythe et ce n’est pas ce que je dis. L’affirmation que je fais est basée sur un argument beaucoup plus solide et plus direct. Mais pour comprendre pourquoi elle est vraie, il faut d’abord comprendre que, comme l’a expliqué le virologue Dylan H. Morris dans un excellent essai, ce qui a rendu le SARS-CoV-2 si dangereux n’est pas tant ses caractéristiques intrinsèques que le fait qu’il était nouveau, ce qui signifie que personne dans la population n’était immunisé contre lui11. Comme le suggèrent certaines études, il existait probablement une certaine immunité croisée due à une exposition antérieure aux coronavirus humains saisonniers, donc cette affirmation n’est pas tout à fait vraie, mais il est clair que cette immunité était très limitée.. En effet, si le débat sur la question de savoir si le SARS-CoV-2 était « pire que la grippe » ou « juste comme la grippe » a dominé la phase initiale de la pandémie et, dans une certaine mesure, se poursuit encore, cette question n’est, en réalité, pas bien posée car la dangerosité d’un virus dans l’absolu n’existe pas. La dangerosité d’un virus est toujours relative à un contexte particulier. Cela devrait être évident si l’on considère l’impact que la disponibilité de traitements efficaces peut avoir sur l’ampleur des dégâts causés par un virus. Par exemple, le VIH était initialement dévastateur parce qu’il tuait invariablement les personnes qu’il avait infectées dans les quelques années suivant l’apparition des symptômes, mais grâce au développement de traitements efficaces, les personnes infectées peuvent désormais mener une vie relativement normale, du moins dans les pays développés où les gens peuvent se permettre de tels traitements. Le VIH n’est pas devenu moins dangereux intrinsèquement, mais il est sans aucun doute beaucoup moins dangereux dans les sociétés où des traitements efficaces sont facilement disponibles.

Dans le cas du SARS-CoV-2, cependant, le facteur contextuel clé est la proportion de la population qui est immunisée contre le virus. Immédiatement après l’émergence du virus, la population était immunologiquement naïve, ce qui signifie que personne n’avait d’immunité contre lui au-delà de celle conférée par le système immunitaire inné contre tout pathogène2Les biologistes font une distinction entre le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif. Le premier offre une protection générique contre les pathogènes qui envahissent le corps et peut traiter efficacement la plupart d’entre eux, tandis que le second offre une protection contre des pathogènes spécifiques qui ont été rencontrés précédemment. Comme je l’ai indiqué plus haut, il existait probablement une certaine immunité adaptative contre le SARS-CoV-2 dans la population en raison de la similitude de certaines parties des protéines exprimées par le virus avec celles des coronavirus humains endémiques, mais là encore, elle était très limitée.. L’ampleur des dommages et des perturbations causés par un virus peut être très différente selon que la population dans laquelle il est introduit est immunologiquement naïve. En effet, lorsque personne dans la population n’est immunisé, 1) le virus se propage plus facilement et infecte davantage de personnes car tout le monde est susceptible d’être infecté et 2) lorsque les personnes sont infectées, elles ont beaucoup plus de chances de développer une forme grave de la maladie car leur système immunitaire ne dispose pas encore d’armes spécifiquement conçues pour combattre ce virus. Ainsi, le même virus, avec exactement les mêmes propriétés intrinsèques, peut faire beaucoup plus de dégâts dans une population immunologiquement naïve que dans une population dont tous les individus sont immunisés contre lui, soit parce qu’ils ont déjà été infectés, soit parce qu’ils ont été vaccinés. C’est l’une des raisons pour lesquelles des communautés indigènes entières en Amérique ont été presque entièrement anéanties par des pathogènes apportés par les Européens, alors que les populations européennes vivaient avec ces mêmes pathogènes depuis des siècles, voire des millénaires, et que, même s’ils n’étaient en aucun cas inoffensifs pour elles, ils ne menaçaient pas leur existence3Une autre raison est que la sélection naturelle avait probablement favorisé les allèles qui protègent contre ces agents pathogènes chez les Européens, précisément parce qu’ils avaient vécu avec eux pendant si longtemps, alors que ce n’était pas le cas en Amérique où les populations indigènes s’étaient séparées des autres populations humaines avant l’émergence de ces maladies, émergence qui s’est probablement produite pendant et après le néolithique, lorsque les animaux ont été domestiqués pour la première fois..

À mesure que davantage de gens seront infectés par SARS-CoV-2 ou vaccinés contre lui, le virus deviendra endémique et continuera à circuler selon un schéma saisonnier (car l’immunité, qu’elle soit acquise naturellement ou par la vaccination, n’est pas efficace à 100 % contre l’infection et s’affaiblit avec le temps), mais le nombre de personnes qui se retrouvent à l’hôpital ou qui meurent à cause de lui diminuera progressivement jusqu’à ce que nous atteignions une sorte d’équilibre4a notion d’équilibre endémique a une définition mathématique précise dans les modèles épidémiologiques, mais si ces modèles peuvent être utiles pour décrire certains aspects de ce processus de manière stylisée, je pense qu’ils n’ont que peu de rapport avec la réalité et j’utilise le terme dans un sens plus informel.. Dans certains endroits, en particulier dans les pays développés où la grande majorité de la population a déjà été vaccinée, ce processus est déjà bien engagé et vous pouvez le voir sur un simple graphique :C’est probablement aussi vrai dans d’autres régions du monde, où les infections ont généralement joué un rôle plus important que la vaccination, et cela finira par être vrai partout, y compris dans des endroits comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui ont réussi à tenir le virus à l’écart jusqu’à présent, mais qui ne pourront pas le faire éternellement à mesure que le virus deviendra endémique dans le reste du monde. Il est évidemment préférable d’augmenter la prévalence de l’immunité dans la population par la vaccination plutôt que par les infections, mais tout le monde finira par arriver au même point. Le virus deviendra endémique et pratiquement tout le monde aura une certaine immunité contre lui, et à ce moment-là, il sera relativement inoffensif et ne causera plus le genre de dégâts que nous avons vus pendant la pandémie. L’ensemble du processus prendra quelques années, mais, là encore, il est déjà bien avancé dans certains endroits et c’est vers cela que tout le monde se dirige, malgré les rêves d’éradication.

Afin de comprendre comment cette transition s’opère et pourquoi le virus sera en grande partie inoffensif une fois qu’il sera devenu endémique et que la population ne sera plus immunologiquement naïve face à lui, je pense qu’il est utile de présenter un exemple numérique simple, qui ne prétend pas être une description quantitative précise de ce qui va se passer mais qui illustre qualitativement le processus et aide à saisir la logique sous-jacente. Considérons une population de 10 millions d’habitants avec 3 millions de personnes âgées de 0 à 18 ans, 4 millions de personnes âgées de 19 à 59 ans et 3 millions de personnes âgées de 60 ans et plus. Supposons que, dans cette population, un virus tue 0,05% des personnes âgées de 0 à 18 ans qu’il infecte, 0,2% des personnes âgées de 19 à 59 ans et 1% des personnes âgées de 60 ans et plus. Supposons également que, pendant la première année suivant son introduction dans la population (qui est initialement immunologiquement naïve), 25 % de la population est infectée et que ce chiffre ne varie pas en fonction de l’âge. Dans ce cas, nous nous attendons à ce qu’au cours de cette année, il tue 25% * 3 000 000 * 0,05% = 375 personnes âgées de 0 à 18 ans, 25% * 4 000 000 * 0,2% = 2 000 personnes âgées de 19 à 59 ans et 25% * 3 000 000 * 1% = 7 500 personnes âgées de 60 ans et plus, soit un total de 9 875 décès. Il s’agit d’une mortalité assez importante, comparable à ce que de nombreux pays ont connu au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, ce qui compte tenu des hypothèses que j’ai faites ne devrait surprendre personne.

Considérons maintenant le même virus mais dans une autre population de 10 millions de personnes ou dans la même population à une date ultérieure où, en raison de la vaccination et des infections, la prévalence de l’immunité n’est que de 25 % chez les personnes âgées de 0 à 18 ans, mais de 100 % dans le reste de la population5C’est le genre de situation à laquelle on peut s’attendre dans une population où le virus est devenu endémique, presque tout le monde est infecté pour la première fois pendant son enfance, l’immunité s’affaiblit avec le temps mais les gens sont réinfectés ou vaccinés à quelques années d’intervalle.. Supposons en outre que l’immunité soit efficace à 80 % contre la mort et que l’efficacité ne varie pas avec l’âge, mais qu’elle ne soit pas aussi efficace contre l’infection. Elle offre néanmoins une certaine protection contre l’infection, de sorte que le virus ne se propage pas autant que dans une population où il n’y a aucune immunité. Soyons plus précis et supposons qu’au cours d’une année, 15 % des personnes âgées de 0 à 18 ans, 10 % des personnes âgées de 19 à 59 ans et 5 % des personnes âgées de 60 ans et plus sont infectées6C’est le genre de situation à laquelle on pourrait s’attendre si les personnes âgées se faisaient régulièrement vacciner parce qu’elles se savent vulnérables. On s’attendrait à ce que le virus circule davantage parmi les enfants puisque, par hypothèse, ils sont plus nombreux à être susceptibles d’être infectés.. Enfin, supposons que 75 % des enfants infectés n’avaient aucune immunité préalable, tandis que 100 % des adultes infectés avaient une certaine immunité puisque nous avons supposé qu’à l’exception des enfants, tout le monde était immunisé. Dans ce cas, nous nous attendons à ce que 15 % * 3 000 000 * (75 % * 0,05 % + 25 % * (1 – 80 %) * 0,05 %) = 180 personnes âgées de 0 à 18 ans, 10 % * 4 000 000 * (1 – 80 %) * 0,2 % = 160 personnes âgées de 19 à 59 ans et 5 % * 3 000 000 * (1 – 80 %) * 1 % = 300 personnes âgées de 60 ans et plus, soit un total de 640 décès. Cela ne représente que 6,5 % du nombre de décès dans la population immunologiquement naïve, alors que, par hypothèse, le virus est exactement le même qu’avant, mais la population n’est plus immunologiquement naïve et cela change tout. Pour diverses raisons que je n’aborderai pas ici, la réalité est bien plus compliquée que ce modèle simpliste, mais c’est suffisant pour saisir la logique de base qui régit la transition vers l’endémicité et avoir une idée assez précise de ce qui va se passer7Si vous voulez voir une tentative plus réaliste de modélisation de la transition vers l’endémicité, qui tente de prédire combien de temps cela prendra en fonction de facteurs tels que la vitesse à laquelle s’estompe la protection contre l’infection conférée par l’immunité ou le nombre de reproduction de base du virus, je vous encourage à lire Lavine et al. (2021). Je ne prendrais pas très au sérieux leurs estimations quantitatives, car le modèle ignore quand même de nombreuses complications et les résultats sont sensibles à diverses hypothèses semi-arbitraires qu’ils font, mais il y a toutes les raisons de penser que leurs conclusions qualitatives, qui sont cohérentes avec la prédiction que je fais dans la suite du texte sur ce qui va se passer une fois que le SARS-CoV-2 sera devenu endémique, sont correctes car elles reposent simplement sur la logique de base que je viens d’expliquer..

Tôt ou tard, que ce soit à la suite d’une infection ou de la vaccination, pratiquement tout le monde développera une certaine immunité contre le SARS-CoV-2. Cette immunité n’empêchera pas toujours l’infection, mais même si une personne vaccinée ou précédemment infectée est réinfectée, elle ne développera généralement qu’une forme légère de la maladie car, bien qu’elle ne soit pas parfaite, la protection contre les formes graves de la maladie que confère l’immunité est meilleure et ne s’estompe pas aussi rapidement que la protection contre l’infection. Même la protection contre les formes graves s’affaiblira probablement au bout d’un certain temps, mais ce ne sera pas vraiment un problème car, comme l’immunité est beaucoup moins efficace contre l’infection et que de nouvelles personnes vont naître, qui seront totalement susceptibles parce qu’elles n’auront jamais été infectées et ne seront pas vaccinées, le virus continuera à circuler et la plupart des gens seront réinfectés.

En fin de compte, la plupart des gens auront une infection primaire lorsqu’ils sont enfants, ce qui est parfaitement inoffensif et qui, avec les infections ultérieures, les protégera contre les formes graves de la maladie plus tard, à un âge où l’infection serait plus dangereuse s’ils n’avaient pas d’immunité. Étant donné qu’une fois l’immunité acquise, les infections sont généralement bénignes, la plupart des gens ne prendront probablement même pas la peine de se faire vacciner car la probabilité de tomber gravement malade à cause de SARS-CoV-2 sera très faible puisque 1) le risque d’être infecté sera déjà faible du fait que l’immunité offre encore une certaine protection contre l’infection et que le virus circulera beaucoup moins après être devenu endémique et 2) même s’ils sont infectés, ils seront généralement bien protégés contre les formes graves de la maladie. Les personnes âgées seront l’exception, car leur système immunitaire est affaibli. Pour elles, il sera donc logique de recevoir régulièrement un rappel de vaccin et je m’attends à ce que la plupart d’entre elles le fassent, comme elles le font déjà contre la grippe. Une fois qu’il sera devenu endémique, ce qui encore une fois prendra quelques années, voire des décennies, pour que la transition soit totalement terminée, SARS-CoV-2 deviendra un virus respiratoire comme les autres et ne causera plus jamais les dommages qu’il vient de nous infliger. À ce moment-là, le virus sera vraiment devenu « juste une grippe », à ceci près qu’il sera probablement moins dangereux ne serait-ce que parce que l’immunité sera plus efficace et durera plus longtemps8En effet, le virus de la grippe mute plus vite que SARS-CoV-2 en raison de l’absence d’un mécanisme assurant que le code génétique est préservé lors de la réplication and parce qu’ils ont un génome segmenté qui facilite la recombinaison entre les différentes souches, ce qui rend l’infection plus difficile à éliminer pour le système immunitaire et explique pourquoi les vaccins contre la grippe deviennent rapidement obsolètes.. Cela s’est peut-être déjà produit dans le passé avec un coronavirus après la pandémie de « grippe russe » de 1889-1891, dont certains pensent aujourd’hui qu’elle a été causée par l’émergence du HCoV-OC43, un autre coronavirus humain désormais endémique et qui provoque le plus souvent un simple rhume. Il est probable que le SARS-CoV-2 suive une trajectoire similaire et finisse par être tout aussi inoffensif.

Comment j’ai appris à ne pas m’inquiéter des variants et pourquoi vous ne devriez pas vous en inquiéter non plus

J’ai argué que, bien que le SARS-CoV-2 ne disparaîtra pas de sitôt et qu’il ne sera pas éradiqué, les choses s’améliorent et qu’à mesure que le virus devient endémique il deviendra pratiquement inoffensif. Toutefois, je sais que devant le tableau optimiste que j’ai brossé de ce qui nous attend, de nombreuses personnes réagiront avec incrédulité car elles pensent que les nouveaux variants du virus feront obstacle à ce scénario quasi-idyllique. Au lieu de considérer la vague d’infections associée au variant Delta comme les derniers soubresauts d’une pandémie en voie de disparition au moment de la transition vers l’endémicité, ils y verront le signe que, comme de nouveaux variants continueront d’apparaître, nous serons piégés dans un cycle sans fin de vagues d’infections, chacune d’entre elles laissant derrière elle une multitude de morts. Étant donné que depuis fin 2020 et l’émergence du variant Alpha en Angleterre, une vague de variantophobie s’est emparée du monde, je ne peux pas vous blâmer si vous vous inquiétez que quelque chose comme cela puisse être vrai, mais si c’est le cas, alors je pense que vous vous sentirez beaucoup mieux après avoir lu cette section car les arguments contre cette variantophobie sont très solides et nous avons toutes les raisons de croire que les variants n’empêcheront pas le scénario que j’ai décrit ci-dessus de se produire. Tout d’abord avant que je ne dise quoi que ce soit d’autre, le simple fait de jeter à nouveau un coup d’œil au graphique ci-dessus concernant ce qui vient de se passer en Angleterre devrait déjà apaiser au moins un peu vos inquiétudes, mais il y a mieux, alors encore un brin de patience et je vous promets que vous ne le regretterez pas.

Les variants ne sont ni un phénomène nouveau ni une particularité de SARS-CoV-2. Les virus mutent constamment et, par conséquent, des variants de SARS-CoV-2 ont commencé à apparaître bien avant que le public ne prenne conscience de ce phénomène il y a quelques mois. Bien que je ne doute pas du fait que les mutations puissent donner lieu à des propriétés différentes, comme je l’ai déjà expliqué précédemment, le tableau est plus compliqué que ce que prétendent les épidémiologistes, surtout en ce qui concerne leurs affirmations sur l’avantage de transmissibilité dont bénéficient, selon eux, certains variants. Mais la véritable préoccupation des gens concernant les variants sur le long terme est qu’ils pourraient échapper à l’immunité préexistante, auquel cas nous reviendrions pratiquement à la case départ. En effet, la prédiction optimiste que j’ai faite sur ce qui va se passer lorsque le virus deviendra endémique repose sur le fait qu’une fois que tout le monde aura acquis une immunité contre le virus, celui-ci ne tuera plus un grand nombre de personnes, car l’immunité fera en sorte d’une part qu’il circule moins et que moins de personnes soient infectées, et d’autre part que même lorsqu’une personne sera infectée, l’infection sera généralement bénigne. Évidemment, si de nouveaux variants capables d’échapper à cette immunité apparaissent, cela ne fonctionnera pas et la pandémie ne cessera pas. Mais cela ne se produira pas et les personnes qui affirment le contraire racontent n’importe quoi.

Pour comprendre pourquoi, il faut connaître quelques notions sur le fonctionnement du système immunitaire. La plupart des gens pensent que l’immunité est une question de noir ou de blanc : soit vous l’avez et vous êtes complètement protégé contre les infections et les formes graves de la maladie, soit vous ne l’avez pas et vous n’êtes protégé contre aucune des deux. Cependant, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, la réalité est plus compliquée. L’immunité comporte plusieurs couches et se décline en différents degrés. J’ai déjà noté que l’immunité contre le SARS-CoV-2 offrait une meilleure protection contre les formes graves de la maladie que contre les infections, mais c’est encore plus compliqué que cela. Tout d’abord, même si vous n’avez jamais été infecté par SARS-CoV-2 et que vous n’avez pas été vacciné, il n’est pas vrai que vous n’ayez aucune immunité contre lui. Vous avez une certaine immunité contre lui parce que votre système immunitaire inné est capable de combattre même les agents pathogènes que vous n’avez jamais rencontrés. Si ce n’était pas le cas, toutes les personnes exposées à SARS-CoV-2 seraient mortes, mais en réalité presque tout le monde survit et l’écrasante majorité des personnes ne présentent que des symptômes légers, voire aucun symptôme du tout. C’est juste que parfois cette immunité innée ne suffit pas à éliminer l’infection avant que les choses ne s’enveniment. Il faut alors faire appel au système immunitaire adaptatif, qui est chargé de mettre en place une réponse immunitaire plus spécifique aux pathogènes.

Contrairement au système immunitaire inné, qui offre une protection générique contre les pathogènes, le système immunitaire adaptatif offre une protection sur mesure contre les pathogènes spécifiques qu’il a déjà rencontrés. Il s’appuie principalement sur deux types de cellules, les lymphocytes B et les lymphocytes T, qui jouent chacun un rôle différent mais qui dans les deux cas agissent en reconnaissant des parties de protéines appelées « épitopes » exprimées par le pathogène, qui dans le cas de SARS-CoV-2 est un virus. Les lymphocytes B possèdent des récepteurs qui se fixent directement sur les épitopes à la surface du virus, à la suite de quoi ces cellules prolifèrent et créent des anticorps qui peuvent également se fixer sur ces épitopes, ce qui empêche le virus d’infecter les cellules et aide d’autres types de cellules du système immunitaire à les éliminer. Dans le cas des lymphocytes T, en revanche, la reconnaissance est un peu plus indirecte. Les protéines virales sont d’abord décomposées en courtes chaînes d’acides aminés appelées « peptides » à l’intérieur de cellules appelées « cellules présentatrices d’antigènes » (CPA)9La terminologie peut être un peu confuse, il peut donc être utile de la clarifier. Les épitopes sont les parties des protéines virales qui sont reconnues par le système immunitaire adaptatif, qu’elles fassent encore partie de la protéine lorsque cette reconnaissance a lieu ou qu’elles aient été fragmentées et n’en fassent plus partie. Dans le cas des lymphocytes B, elles sont reconnues directement sur la protéine qui est encore intacte à la surface du virus, mais dans le cas des lymphocytes T, cette reconnaissance a lieu après que les protéines virales ont été décomposées en peptides. Les peptides peuvent donc être des épitopes lorsqu’ils sont présentés à la surface des CPA pour être reconnus par les lymphocytes T, mais les épitopes ne sont pas nécessairement des peptides et les peptides ne sont pas nécessairement des épitopes.. Ces peptides sont ensuite liés à des molécules appelées « complexe majeur d’histocompatibilité » (CMH) et les complexes CMH-peptides qui en résultent sont transportés à la surface des CPA où ils sont présentés pour être reconnus par les lymphocytes T10Il existe différentes classes de molécules de CMH que l’on trouve sur différents types de CPA et qui sont reconnues par différents types de lymphocytes T, mais ce n’est pas important pour ce que j’essaie d’expliquer.. Les lymphocytes T possèdent des récepteurs qui se lient à différents types de complexes CMH-peptides et, si elles reconnaissent l’un d’entre eux, elles sont activées et commencent à agir contre le virus. Cela contribue à la réponse immunitaire de diverses manières et en particulier met en route le processus qui aboutira à la destruction des cellules qui ont été infectées par le virus11Les lymphocytes B sont des CPA et présentent donc des complexes CMH-peptides aux lymphocytes T, qui à leur tour stimulent la prolifération de lymphocytes B spécifiques aux peptides en question et la production d’anticorps qui peuvent les lier directement à la surface du virus. Les lymphocytes T et les lymphocytes B ne sont donc pas des parties entièrement distinctes du système immunitaire, mais interagissent de manière complexe pour produire la réponse immunitaire.. Voici un schéma adapté de cet article qui résume la reconnaissance des épitopes par les lymphocytes B et les lymphocytes T :

Un fait essentiel concernant les lymphocytes T et les lymphocytes B est que, lorsqu’ils sont activés, ils ne déclenchent pas seulement un processus qui aidera à éliminer l’infection en cours, mais aussi un processus qui leur permettra de le faire plus rapidement la prochaine fois qu’ils rencontreront le virus.

Vous vous demandez probablement pourquoi je vous parle de tout cela, mais ne vous inquiétez pas, vous allez bientôt comprendre. Dans le cas du SARS-CoV-2, les anticorps semblent être essentiels à la protection contre l’infection, ce qui est logique car s’il y a encore beaucoup d’anticorps capables de neutraliser le virus dans les environs lorsqu’une personne est à nouveau exposée au virus, celui-ci n’aura même pas la possibilité d’infecter les cellules et de se répliquer. Cependant, plusieurs études ont montré que le nombre d’anticorps contre le SARS-CoV-2 diminue relativement vite après une vaccination ou une infection naturelle, de sorte que souvent, l’immunité ne peut empêcher l’infection. Mais comme nous venons de le voir, la réponse immunitaire ne se limite pas aux anticorps, et encore moins aux anticorps contre le SARS-CoV-2 qui sont encore présents au moment où une personne est à nouveau exposée au virus. Lors d’une seconde exposition au virus, les lymphocytes T dont les récepteurs se fixent sur les peptides du SARS-CoV-2 se remettront au travail, mais cette fois-ci, ils pourront le faire plus rapidement. Ainsi, même si l’infection n’a pu être évitée, elle sera éliminée avant que la situation ne s’aggrave. Les lymphocytes T jouent donc un rôle clé dans la prévention des maladies graves et, contrairement aux anticorps, ni les lymphocytes B ni les lymphocytes T spécifiques au SARS-CoV-2 ne disparaissent rapidement. En fait, selon diverses études (dont une qui a montré que des lymphocytes T spécifiques du SARS-CoV-1 étaient encore présents dans le sang de personnes ayant été infectées il y a 17 ans), ils sont probablement présents pendant des années. Ainsi, même si la protection contre l’infection semble relativement courte, l’immunité confère probablement une protection contre les formes graves de la maladie pendant une longue période. Mais de nouveaux variants ne vont-ils pas trouver un moyen d’échapper à cette immunité préexistante et rendre inefficace la protection contre les formes graves qu’elle confère ? Non, il est quasiment certain qu’ils ne le feront pas, et les lymphocytes T en sont la raison.

En effet, les lymphocytes T organisent une réponse immunitaire particulièrement robuste parce qu’ils ciblent un nombre d’épitopes beaucoup plus important que les anticorps. Ainsi, même si le virus mute pour empêcher les anticorps résultant d’une infection antérieure de se lier à lui, il est peu probable que cela fonctionne contre les lymphocytes T parce que cela nécessiterait que l’ensemble du protéome viral, c’est-à-dire l’ensemble des protéines exprimées par le virus, soit différent. Mais SARS-CoV-2 mute assez lentement, donc même si de nouveaux variants apparaissent régulièrement et continueront à le faire à l’avenir, la plupart des peptides du virus resteront les mêmes et les lymphocytes T seront donc toujours capables de les reconnaître. En effet, les peptides qui sont liés aux molécules de CMH et présentés à la surface des cellules présentatrices d’antigènes sont des chaînes très courtes de 8 à 25 acides aminés (selon la classe de CMH à laquelle ils sont liés), il est donc peu probable qu’ils changent même si le virus mute. Comme il mute lentement, c’est un peu comme si le virus essayait de gagner à la loterie en achetant une poignée de billets, chacun d’entre eux ayant une très faible probabilité de remporter le gros lot. S’il en achetait 500, la probabilité que l’un d’eux soit un ticket gagnant pourrait être raisonnablement élevée, mais comme il n’en achète que 8 à 25 dans chaque cas, elle est très faible. De plus, même si un acide aminé change, cela ne suffit généralement pas à empêcher les récepteurs des lymphocytes T de se lier au complexe CMH-peptide, de sorte que dans ce cas, le fait d’avoir un ticket gagnant ne garantit même pas que le virus empochera effectivement de l’argent. Bien sûr, cela se produira parfois, mais les lymphocytes T ciblent des centaines d’épitopes du SARS-CoV-2, de sorte que cela ne fera pas vraiment de différence dans la réponse immunitaire globale qu’elles organisent contre le virus. Les lymphocytes T prennent simplement très au sérieux la recommandation de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Cela semble très bien en théorie, mais la réalité a le don de contrecarrer nos attentes théoriques, alors est-ce que cela fonctionne aussi en pratique ? Eh bien oui, cela fonctionne exactement comme le prévoit la théorie. Une étude récente a examiné l’impact des variants du SARS-CoV-2 sur la réactivité des lymphocytes T et a constaté que, selon le type de récepteur, entre 93 % et 97 % des centaines d’épitopes de lymphocytes T précédemment identifiés n’étaient pas affectés par les mutations des variants en question. Ceci dit, tous les épitopes ne contribuent pas de la même manière à la réponse immunitaire mise en place par les lymphocytes T, donc en théorie il se pourrait que, bien que seuls quelques-uns d’entre eux soient affectés par des mutations dans les variants les plus préoccupants, il s’agisse d’épitopes impliqués de manière disproportionnée dans la réponse des lymphocytes T. Mais les auteurs ont vérifié, et ils ont constaté que les épitopes entièrement conservés représentaient en moyenne 91,5 % de la réponse, ce n’est donc pas le cas. Encore une fois, il faut garder à l’esprit que même pour la poignée d’épitopes qui ont été affectés par des mutations, cela ne signifie pas que les récepteurs d’une infection antérieure ne sont plus capables de les reconnaître. Quoi qu’il en soit, l’étude a également montré qu’il n’y avait pas de différence statistique dans la réactivité des lymphocytes T des personnes ayant acquis une immunité contre le virus, qu’elles aient été vaccinées ou infectées naturellement. Cela ne signifie pas que, si l’échantillon avait été plus important, une différence statistiquement significative n’aurait pas été trouvée, mais cela signifie qu’au pire, la perte de réactivité était faible voire inexistante, ce qui, là encore, est exactement ce à quoi nous nous attendions sur la base des considérations théoriques. Il se pourrait aussi que, bien que les lymphocytes T ciblent des centaines d’épitopes et que le SARS-CoV-2 mute lentement, après une période assez longue, il aura muté suffisamment pour que les lymphocytes T ne soient pas en mesure d’organiser une réponse immunitaire suffisamment forte pour protéger contre une maladie grave. Mais n’oubliez pas que le SARS-CoV-2 va continuer à circuler et que les gens seront probablement réinfectés à quelques années d’intervalle, de sorte que leur immunité sera mise à jour au moment où ils le seront, ce qui garantira que toute infection ultérieure sera également bénigne.

Mais il y a une autre raison dont presque personne ne parle pour laquelle il est peu probable que nous assistions à une évasion immunitaire substantielle avec les lymphocytes T. Comme je l’ai expliqué plus haut, les lymphocytes T ne reconnaissent pas les épitopes directement à la surface du virus, mais se lient à des complexes formés par des molécules de CMH et des peptides à la surface de cellules présentant des antigènes. Or, différentes molécules de CMH peuvent se lier à différents peptides, qui sont ensuite présentés pour être reconnus par les récepteurs des lymphocytes T. Il se trouve que la région du génome humain qui est responsable de la production des molécules de CMH est la plus polymorphe de tout le génome humain, ce qui signifie que même au sein d’une même population, différents individus ont généralement des molécules de CMH différentes qui peuvent se lier à des épitopes différents du virus avant de les présenter aux récepteurs des lymphocytes T à la surface des cellules présentant les antigènes. Ce fait a été confirmé dans le cas de SARS-CoV-2 par une autre étude qui a identifié les épitopes potentiels du virus pour les lymphocytes T et a utilisé des méthodes informatiques pour prédire leur affinité de liaison avec les molécules de CMH produites par les différentes variantes des gènes qui les codent dans les populations humaines. Les auteurs ont constaté que les épitopes dérivés du SARS-CoV-2 impliqués dans la réponse des lymphocytes T variaient considérablement d’un individu à l’autre au sein d’une même population et d’une population à l’autre, bien que cette variation n’affecte pas le niveau global de réponse entre les individus ou les populations12Ce résultat est resté valable lorsqu’ils ont examiné de potentiels peptides de lymphocytes T dérivés de protéines individuelles exprimées par le virus plutôt que de l’ensemble du protéome viral. Ainsi, même si les peptides dérivés de protéines spécifiques sont plus importants que d’autres pour la réponse des lymphocytes T, cette réponse reposera toujours sur des épitopes différents selon les individus et les populations. C’est notamment le cas des épitopes dérivés de la protéine Spike, qui est celle utilisée par les vaccins actuellement disponibles pour induire l’immunité.. Ceci est très important car cela signifie que, même si le virus a acquis des mutations lui permettant d’échapper à l’immunité des lymphocytes T chez un individu ou une population, cela ne l’aidera généralement pas à échapper à l’immunité des lymphocytes T chez un autre individu ou dans une autre population, ce qui rend l’évasion immunitaire des lymphocytes T encore plus improbable.

En résumé, si vous êtes le virus, les lymphocytes T sont votre pire cauchemar. Il est assez facile de devancer les anticorps, et certains variants y parviennent déjà dans une certaine mesure, mais avec les lymphocytes T c’est toute une autre histoire et le virus aura beaucoup plus de mal à s’en sortir. Comme nous l’avons vu, nous avons de très bonnes raisons théoriques et empiriques de penser que, dans la guerre entre le virus et l’immunité conférée par les lymphocytes T, non seulement ces derniers vont gagner, mais ça ne va même pas les fatiguer. Il est important de comprendre qu’à cet égard, le SARS-CoV-2 n’est pas différent des autres virus et que les autres virus ont également du mal à faire face à l’immunité des lymphocytes T. En effet, comme le notent les auteurs de l’étude qui examinait l’impact des variants du SARS-CoV-2 sur la réactivité des lymphocytes T, l’évasion immunitaire au niveau de la réponse des lymphocytes T n’a jamais été signalée pour des infections respiratoires aiguës. Les gens s’inquiètent des variants parce qu’ils entendent dire que la réponse des anticorps n’est pas aussi efficace contre eux, et ils imaginent donc qu’un autre variant finira par apparaître contre lequel l’immunité sera complètement inefficace, mais c’est parce qu’ils ne savent pas que les anticorps ne sont qu’une partie de la réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2. L’immunité comporte une autre couche reposant sur les lymphocytes T et, non seulement cette couche n’a pas été affectée par les mutations du virus jusqu’à présent, mais, comme nous venons de le voir, nous avons de très bonnes raisons de penser qu’il en sera de même à l’avenir.

Comme je l’ai indiqué plus haut, il est probable que SARS-CoV-2 suive une trajectoire similaire à celle des autres coronavirus humains (qui sont déjà endémiques), donc il est particulièrement intéressant de noter que ce que je prédis pour SARS-CoV-2 est exactement ce qui se passe déjà avec ces coronavirus humains. Une étude récente a examiné l’évolution du HCoV-229E sur les dernières décennies, l’un des quatre coronavirus humains déjà endémiques, et a constaté que sa protéine Spike, qui permet au virus de pénétrer dans les cellules et de les infecter, avait subi plusieurs mutations entre 1984 et 2020. Ils ont utilisé des sérums prélevés sur des patients en convalescence à différents moments de cette période pour tester la capacité des anticorps qu’ils contenaient à se lier à des protéines Spike reconstituées du virus datant de 1984, 1992, 2001, 2008 et 2016. Ils ont constaté que les anticorps présents dans les sérums prélevés à une date donnée étaient capables de trouver efficacement les protéines Spike trouvées sur le HCoV-229E avant cette date, mais pas ou peu efficacement les protéines Spike trouvées sur le virus après cette date, ce qui montre que le HCoV-229E avait muté pour échapper à la liaison des anticorps, ce qui est déjà ce que nous observons dans le SARS-CoV-2. Mais le HCoV-229E a toujours été quasiment inoffensif pendant cette période, ce qui s’explique probablement par le fait que, si la réponse par anticorps des individus contre le virus est devenue moins efficace en raison des mutations de la protéine Spike, l’immunité des lymphocytes T n’a pratiquement pas été affectée. C’est exactement ce que nous observons jusqu’à présent avec SARS-CoV-2 et nous avons toutes les raisons de croire que cela continuera d’être le cas à l’avenir. La seule différence est que, dans le cas du HCoV-229E, personne ne se soucie de nommer les variants et les gens ne s’affolent pas parce qu’ils pensent que l’immunité cessera de fonctionner contre eux. Je le répète, le SARS-CoV-2 n’est qu’un autre virus respiratoire, ce qui l’a rendu si dévastateur est qu’il était nouveau.

Le SARS-CoV-2 n’est pas près de disparaître

Certaines personnes insistent sur le fait que nous ne pouvons pas « vivre avec le virus » et que nous devons donc mener une politique d’éradication. Ils établissent souvent un parallèle avec la variole et affirment que nous devrions faire la même chose avec SARS-CoV-2 qu’avec ce virus qui, après avoir tourmenté l’humanité pendant des milliers d’années, a finalement été éradiqué en 1980. Ce parallèle est toutefois extrêmement trompeur, car la variole diffère de SARS-CoV-2 sur des points très importants, qui ont rendu l’éradication possible bien que difficile dans le cas de la première, mais la rendent extrêmement improbable dans le cas du second. Avant d’aborder ce sujet, il convient de noter qu’à ce jour, seules deux maladies infectieuses ont été éradiquées avec succès (la variole chez l’homme et la peste bovine chez le bétail), ce qui montre à quel point ce type d’entreprise est difficile. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, puisque plusieurs autres maladies infectieuses ont été ciblées pour être éradiquées, mais ces efforts n’ont pas encore abouti. La polio semble sur le point d’être éradiquée et le sera probablement bientôt, mais elle ne l’est pas encore. Même dans le cas de la variole, l’éradication a pris des décennies. Vous pourriez en déduire que, même si le SARS-CoV-2 ne sera pas éradiqué du jour au lendemain, nous pourrions finir par y arriver si nous nous y engagions vraiment. Mais je ne pense pas que cela se produira car, encore une fois, le SARS-CoV-2 est très différent des virus qui causent la variole ou la polio.

Tout d’abord, s’il ne fait aucun doute que les vaccins contre SARS-CoV-2 protègent contre les infections et pas seulement contre les formes graves de la maladie (comme nous l’avons vu plus haut), je pense qu’il est tout aussi clair que la protection qu’ils offrent contre l’infection est loin d’être parfaite et que des personnes peuvent être infectées même si elles ont été vaccinées. Il y a également de plus en plus de données suggérant que, même si elle ne disparaît pas presque immédiatement comme certaines personnes l’avaient initialement suggéré sur la base d’éléments de preuve très faibles, la protection contre l’infection conférée par la vaccination s’estompe relativement rapidement. Comme l’a montré cette étude, il en va de même pour l’immunité contre les coronavirus humains endémiques induite par une infection naturelle, donc ce n’est pas particulièrement surprenant. Selon l’enquête COVID-19 sur les infections, basée sur un échantillon aléatoire de la population du Royaume-Uni, plus de 90 % des personnes avaient des anticorps contre SARS-CoV-2 en juin, mais cela n’a pas empêché une gigantesque troisième ou quatrième vague (selon la façon dont on compte) de déferler sur le pays en juillet. La même chose vient de se produire en Islande, où plus de 90 % de la population de plus de 16 ans a reçu au moins une dose de vaccin. Comme nous l’avons vu, ce n’est pas vraiment un problème car, grâce à la vaccination et à l’immunité naturellement acquise, la mortalité est restée faible, mais cela suggère que même une vaccination massive dans un court laps de temps ne peut empêcher le virus de circuler. Le vaccin contre la variole, en revanche, confère probablement une protection à vie contre l’infection et la même chose semble être vraie pour l’immunité naturellement acquise. En fait, pour se débarrasser de la variole, il « suffisait » de vacciner tous les enfants et c’était tout. La même chose est vraie pour la polio.

Cela signifie donc que, pour éradiquer SARS-CoV-2, il faudrait vacciner l’ensemble de la population chaque année pendant plusieurs années consécutives, et même cela ne serait probablement pas suffisant13Peut-être cela changera-t-il avec la mise au point de nouveaux vaccins plus efficaces mais je ne parierais pas là-dessus, d’autant plus que, comme je l’ai dit, SARS-CoV-2 va devenir beaucoup moins dangereux, de sorte que les sociétés pharmaceutiques auront moins d’incitations à investir dans la recherche et le développement de meilleurs vaccins contre lui.. Il s’agit d’un effort bien plus important que celui que nous avons dû fournir pour nous débarrasser de la variole, et pourtant, même cette entreprise relativement simple a pris des décennies. Qui peut sérieusement croire que nous serons capables de maintenir cet effort pendant les années, voire les décennies, qu’il faudrait pour éradiquer le virus, alors que nous ne sommes même pas capables de le faire au milieu d’une pandémie qui vient de tuer des millions de personnes ? C’est une chimère, cela n’arrivera jamais. En effet, convaincre ou contraindre les gens à se faire vacciner va devenir encore plus difficile, car comme je l’ai expliqué, le virus sera en grande partie inoffensif une fois qu’il sera devenu endémique. Si vous pensez qu’il est difficile de convaincre les gens de se faire vacciner ou politiquement difficile de les contraindre à le faire alors que les gens meurent par milliers, ce qui est certainement le cas, attendez que la mortalité causée par le SARS-CoV-2 soit divisée par un facteur 20 ou quelque chose de cet ordre. C’est inutile et ruineux de poursuivre une politique qui n’a aucune chance réaliste de réussir, mais c’est exactement ce que font les personnes qui appellent à l’éradication du SARS-CoV-2. Non pas que cela change quoi que ce soit, pour être clair, car les mêmes raisons qui font de ce projet un fantasme garantiront que les appels à le réaliser resteront sans réponse.

Une fois encore, la comparaison avec la variole ou même la polio est extrêmement trompeuse. La variole est l’un des agents pathogènes les plus mortels de l’histoire et a probablement tué des centaines de millions de personnes au cours des 100 dernières années de son existence. Il est parfaitement évident que les incitations sont complètement différentes dans le cas du SARS-CoV-2. Même dans le cas de la polio, dont le taux de létalité est similaire à celui du SARS-CoV-2, les incitations sont très différentes car cette maladie tue ou mutile principalement des enfants. Peut-on vraiment s’attendre à ce que les gens soient aussi motivés pour éradiquer un virus qui tue principalement des personnes âgées que pour se débarrasser d’un virus qui tue ou paralyse des enfants ? De plus, comme je l’ai déjà noté, dans le cas de la polio, il suffit d’administrer quelques injections aux gens lorsqu’ils sont de très jeunes enfants et le tour est joué. La comparaison de SARS-CoV-2 avec d’autres pathogènes peut être éclairante dans certains cas, mais le comparer à la variole ou même à la polio pour suggérer que nous pourrions l’éradiquer et que c’est une possibilité réaliste est extrêmement trompeur. Même si nous admettons, pour les besoins de l’argumentation, que cela pourrait être fait si nous consacrions suffisamment de ressources à cet effort, il est totalement irréaliste de penser que nous y parviendrons un jour, car les incitations ne sont pas adéquates14Vous pouvez penser que, bien que l’éradication du SARS-CoV-2 soit extrêmement coûteuse et difficile, elle serait tout de même rentable compte tenu du nombre de décès attendus du COVID-19 à long terme et vous pourriez même avoir raison malgré le fait qu’il va devenir beaucoup moins dangereux une fois qu’il sera endémique. Mais cela ne changerait rien au fait qu’il est presque certain que cela ne se produira pas, car comme nous l’avons vu pendant la pandémie, les décideurs ne sont guère des maximisateurs d’utilité. Ainsi, lorsque j’affirme que l’éradication de SARS-CoV-2 n’est pas souhaitable, je ne suis pas catégorique sur le fait que, même si les gens étaient parfaitement rationnels, une telle politique ne passerait pas le test coût-bénéfice (bien que je pense quand même que ça ne serait pas le cas), mais seulement sur l’affirmation plus faible qu’elle ne le ferait pas dans le monde réel parce que le manque d’incitations à poursuivre cette politique réduit la probabilité de succès et augmente le coût..

Il y a d’autres différences fondamentales entre SARS-CoV-2  et la variole ou même la polio qui rendent l’éradication du premier bien plus difficile. En particulier, la variole et la polio n’infectent que les humains, alors que le SARS-CoV-2 peut également infecter les animaux et le fait fréquemment. Bien que les preuves de la transmission de l’animal à l’homme soient jusqu’à présent très limitées, je pense que cela reflète surtout le fait que les études sur la sensibilité des animaux à cette infection n’aient pas eu pour but de répondre à cette question. Si le virus devient endémique dans des populations animales fréquemment en contact avec les humains, même si nous parvenions à l’éradiquer temporairement des populations humaines, il serait réintroduit par le biais des animaux et nous serions de retour à la case départ. Au moins un réservoir animal a déjà été identifié, dans la population de cerfs de Virginie aux États-Unis, donc cette préoccupation n’est pas qu’une spéculation purement théorique. Cela signifie que, pour éradiquer définitivement le SARS-CoV-2 des populations humaines, il faudrait probablement vacciner des populations d’animaux sauvages. C’est possible et cela a d’ailleurs été fait dans certains pays comme la France, qui a entrepris de vacciner certains animaux sauvages contre la rage, mais cela ne fait que rendre l’éradication plus difficile et coûteuse, ce qui à son tour rend encore plus l’hypothèse que nous allons essayer d’autant plus improbable, sans même parler de réussir.

Conclusion

La pandémie est en train de s’achever, mais SARS-CoV-2 ne disparaîtra pas. Heureusement, comme tout le monde développe une forme d’immunité contre lui (soit par la vaccination, soit après une infection), ce virus ne sera plus un problème majeur dans le futur. Il continuera à circuler, mais beaucoup moins que pendant la pandémie et, même lorsque des personnes seront infectées, l’infection sera généralement sans gravité. À l’avenir, la plupart des individus seront infectés pendant l’enfance, ce qui sera bénin et les protégera contre les formes graves lors d’éventuelles infections ultérieures15Pour le moment, beaucoup de gens veulent vacciner leurs enfants, mais je doute que ce soit encore le cas dans quelques années, lorsque la panique induite par la pandémie se sera calmée et que les gens auront réalisé que le SARS-CoV-2 est inoffensif pour les enfants.. Le virus continuera à muter, et certaines de ces mutations favoriseront l’évasion immunitaire, mais bien que ces mutations devraient lui permettre d’infecter des personnes déjà immunisées par une infection antérieure ou une vaccination, l’immunité devrait malgré tout permettre de limiter chez ces individus les formes graves de la maladie, notamment en raison du rôle joué par les lymphocytes T. C’est probablement ce qui s’est passé avec les autres coronavirus humains, qui sont déjà endémiques et provoquent généralement un simple rhume chez les personnes qu’ils infectent. Dans la mesure où l’évasion immunitaire aura lieu, cela arrivera de façon très progressive et le fait que les gens seront infectés toutes les quelques années permettra la « mise à jour » du système immunitaire, ce qui garantira que les réinfections seront aussi bénignes. Les personnes les plus vulnérables, dont le système immunitaire est peu performant et qui pourraient avoir besoin d’un coup de pouce pour être prêtes en cas d’infection, pourront recevoir un rappel de vaccin de temps en temps. Le virus continuera à être parfois mortel, comme l’est la grippe, mais il ne provoquera plus jamais des perturbations de l’ampleur de ce que nous avons vécu. Il se pourrait que la partie la plus difficile de ce qui nous attend soit de convaincre ceux qui ont été traumatisés par la pandémie que le choc est passé et que les restrictions n’ont plus de sens.

P. S. Je me rends compte que, même si ce n’est pas exactement ce qu’il dit, ce billet donne l’impression que la seule raison pour laquelle la protection contre l’infection semble avoir diminué est l’apparition de nouveaux variants avec des mutations de la protéine Spike qui leur permettent d’empêcher les anticorps de se lier, donc pour être clair ce n’est pas ce que je dis. Je me concentrais sur l’évasion immunitaire, car c’est ce qui semble inquiéter le plus, mais une autre raison pour laquelle la protection contre l’infection s’affaiblit probablement est que les niveaux d’anticorps assez rapidement après l’infection. De plus, comme quelqu’un me l’a fait remarquer, le nombre de lymphocytes T spécialisés contre SARS-CoV-2 diminue également, et je suis sûr qu’il en va de même pour les lymphocytes B. Ainsi, avec le temps, le système immunitaire adaptatif met plus de temps à réagir à l’exposition au virus. Je ne voulais pas non plus suggérer que les mutations de la protéine Spike rendent les anticorps complètement inefficaces. Ce que je voulais expliquer, c’est que même si un variant est capable d’échapper dans une large mesure à l’immunité humorale, l’immunité cellulaire devrait toujours fonctionner très bien contre lui et que le système immunitaire devrait finalement être capable d’organiser une réponse très efficace à l’infection, même si le fait que les niveaux de lymphocytes T diminuent également signifie que cela prendra plus de temps à mesure que le temps écoulé depuis la dernière infection augmente.

  • 1
    1. Comme le suggèrent certaines études, il existait probablement une certaine immunité croisée due à une exposition antérieure aux coronavirus humains saisonniers, donc cette affirmation n’est pas tout à fait vraie, mais il est clair que cette immunité était très limitée.
  • 2
    Les biologistes font une distinction entre le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif. Le premier offre une protection générique contre les pathogènes qui envahissent le corps et peut traiter efficacement la plupart d’entre eux, tandis que le second offre une protection contre des pathogènes spécifiques qui ont été rencontrés précédemment. Comme je l’ai indiqué plus haut, il existait probablement une certaine immunité adaptative contre le SARS-CoV-2 dans la population en raison de la similitude de certaines parties des protéines exprimées par le virus avec celles des coronavirus humains endémiques, mais là encore, elle était très limitée.
  • 3
    Une autre raison est que la sélection naturelle avait probablement favorisé les allèles qui protègent contre ces agents pathogènes chez les Européens, précisément parce qu’ils avaient vécu avec eux pendant si longtemps, alors que ce n’était pas le cas en Amérique où les populations indigènes s’étaient séparées des autres populations humaines avant l’émergence de ces maladies, émergence qui s’est probablement produite pendant et après le néolithique, lorsque les animaux ont été domestiqués pour la première fois.
  • 4
    a notion d’équilibre endémique a une définition mathématique précise dans les modèles épidémiologiques, mais si ces modèles peuvent être utiles pour décrire certains aspects de ce processus de manière stylisée, je pense qu’ils n’ont que peu de rapport avec la réalité et j’utilise le terme dans un sens plus informel.
  • 5
    C’est le genre de situation à laquelle on peut s’attendre dans une population où le virus est devenu endémique, presque tout le monde est infecté pour la première fois pendant son enfance, l’immunité s’affaiblit avec le temps mais les gens sont réinfectés ou vaccinés à quelques années d’intervalle.
  • 6
    C’est le genre de situation à laquelle on pourrait s’attendre si les personnes âgées se faisaient régulièrement vacciner parce qu’elles se savent vulnérables. On s’attendrait à ce que le virus circule davantage parmi les enfants puisque, par hypothèse, ils sont plus nombreux à être susceptibles d’être infectés.
  • 7
    Si vous voulez voir une tentative plus réaliste de modélisation de la transition vers l’endémicité, qui tente de prédire combien de temps cela prendra en fonction de facteurs tels que la vitesse à laquelle s’estompe la protection contre l’infection conférée par l’immunité ou le nombre de reproduction de base du virus, je vous encourage à lire Lavine et al. (2021). Je ne prendrais pas très au sérieux leurs estimations quantitatives, car le modèle ignore quand même de nombreuses complications et les résultats sont sensibles à diverses hypothèses semi-arbitraires qu’ils font, mais il y a toutes les raisons de penser que leurs conclusions qualitatives, qui sont cohérentes avec la prédiction que je fais dans la suite du texte sur ce qui va se passer une fois que le SARS-CoV-2 sera devenu endémique, sont correctes car elles reposent simplement sur la logique de base que je viens d’expliquer.
  • 8
    En effet, le virus de la grippe mute plus vite que SARS-CoV-2 en raison de l’absence d’un mécanisme assurant que le code génétique est préservé lors de la réplication and parce qu’ils ont un génome segmenté qui facilite la recombinaison entre les différentes souches, ce qui rend l’infection plus difficile à éliminer pour le système immunitaire et explique pourquoi les vaccins contre la grippe deviennent rapidement obsolètes.
  • 9
    La terminologie peut être un peu confuse, il peut donc être utile de la clarifier. Les épitopes sont les parties des protéines virales qui sont reconnues par le système immunitaire adaptatif, qu’elles fassent encore partie de la protéine lorsque cette reconnaissance a lieu ou qu’elles aient été fragmentées et n’en fassent plus partie. Dans le cas des lymphocytes B, elles sont reconnues directement sur la protéine qui est encore intacte à la surface du virus, mais dans le cas des lymphocytes T, cette reconnaissance a lieu après que les protéines virales ont été décomposées en peptides. Les peptides peuvent donc être des épitopes lorsqu’ils sont présentés à la surface des CPA pour être reconnus par les lymphocytes T, mais les épitopes ne sont pas nécessairement des peptides et les peptides ne sont pas nécessairement des épitopes.
  • 10
    Il existe différentes classes de molécules de CMH que l’on trouve sur différents types de CPA et qui sont reconnues par différents types de lymphocytes T, mais ce n’est pas important pour ce que j’essaie d’expliquer.
  • 11
    Les lymphocytes B sont des CPA et présentent donc des complexes CMH-peptides aux lymphocytes T, qui à leur tour stimulent la prolifération de lymphocytes B spécifiques aux peptides en question et la production d’anticorps qui peuvent les lier directement à la surface du virus. Les lymphocytes T et les lymphocytes B ne sont donc pas des parties entièrement distinctes du système immunitaire, mais interagissent de manière complexe pour produire la réponse immunitaire.
  • 12
    Ce résultat est resté valable lorsqu’ils ont examiné de potentiels peptides de lymphocytes T dérivés de protéines individuelles exprimées par le virus plutôt que de l’ensemble du protéome viral. Ainsi, même si les peptides dérivés de protéines spécifiques sont plus importants que d’autres pour la réponse des lymphocytes T, cette réponse reposera toujours sur des épitopes différents selon les individus et les populations. C’est notamment le cas des épitopes dérivés de la protéine Spike, qui est celle utilisée par les vaccins actuellement disponibles pour induire l’immunité.
  • 13
    Peut-être cela changera-t-il avec la mise au point de nouveaux vaccins plus efficaces mais je ne parierais pas là-dessus, d’autant plus que, comme je l’ai dit, SARS-CoV-2 va devenir beaucoup moins dangereux, de sorte que les sociétés pharmaceutiques auront moins d’incitations à investir dans la recherche et le développement de meilleurs vaccins contre lui.
  • 14
    Vous pouvez penser que, bien que l’éradication du SARS-CoV-2 soit extrêmement coûteuse et difficile, elle serait tout de même rentable compte tenu du nombre de décès attendus du COVID-19 à long terme et vous pourriez même avoir raison malgré le fait qu’il va devenir beaucoup moins dangereux une fois qu’il sera endémique. Mais cela ne changerait rien au fait qu’il est presque certain que cela ne se produira pas, car comme nous l’avons vu pendant la pandémie, les décideurs ne sont guère des maximisateurs d’utilité. Ainsi, lorsque j’affirme que l’éradication de SARS-CoV-2 n’est pas souhaitable, je ne suis pas catégorique sur le fait que, même si les gens étaient parfaitement rationnels, une telle politique ne passerait pas le test coût-bénéfice (bien que je pense quand même que ça ne serait pas le cas), mais seulement sur l’affirmation plus faible qu’elle ne le ferait pas dans le monde réel parce que le manque d’incitations à poursuivre cette politique réduit la probabilité de succès et augmente le coût.
  • 15
    Pour le moment, beaucoup de gens veulent vacciner leurs enfants, mais je doute que ce soit encore le cas dans quelques années, lorsque la panique induite par la pandémie se sera calmée et que les gens auront réalisé que le SARS-CoV-2 est inoffensif pour les enfants.